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1er-22 septembre 2004

Russie. Prise d'otages à Beslan et renforcement des pouvoirs

Le 1er, un commando armé de plusieurs dizaines de membres investit une école de Beslan, en Ossétie du Nord, prenant en otages des centaines de personnes, majoritairement des enfants, et menaçant de faire sauter le bâtiment.

Le 2, l'ancien président d'Ingouchie Rouslan Aouchev, écarté par le Kremlin en 2002, obtient la libération de vingt-six otages. Le président Poutine déclare que le premier objectif est de « sauver la vie » des otages, que les autorités estiment à environ trois cent cinquante, alors que des témoins parlent de mille personnes. Les revendications des ravisseurs ne sont pas rendues publiques: certaines sources citent la libération de prisonniers ossètes, d'autres le retrait des troupes russes de Tchétchénie.

Le 3, des explosions retentissent dans l'école, suivies de fusillades. Les forces spéciales donnent l'assaut avec l'appui de chars. Des otages tentent de fuir ou sont évacués au milieu des combats qui durent près de 3 heures. Les secours s'avèrent insuffisants et désorganisés. Selon les autorités, le temps a manqué pour un assaut planifié; la plupart des terroristes auraient été tués. De nombreux pays condamnent la prise d'otages et certains demandent des explications à Moscou sur la gestion et l'issue de la tragédie.

Le 4, Vladimir Poutine effectue une visite à Beslan. Dans un discours télévisé, il déclare: « Nous avons affaire non [...] à des terroristes isolés [mais] à une intervention du terrorisme international contre la Russie », à « une guerre totale, [...] à grande échelle ». Constatant que « de telles guerres [...] ne finissent pas rapidement » et reconnaissant n'avoir pas assez tôt « compris la complexité et le danger des processus en cours [en Russie] et dans le monde », il annonce la création d'« un système beaucoup plus efficace de sécurité [...] à la hauteur des nouvelles menaces ». Deux jours de deuil national sont décrétés. Le bilan officiel fait état de trois cent trente-huit morts, ce qui fait de cette prise d'otages la plus meurtrière jamais perpétrée au monde; en outre, des témoins évoquent au moins cinq cents morts.

Le 6, Vladimir Poutine affirme à un groupe de spécialistes occidentaux de la Russie qu'« il n'y a aucun lien entre la politique russe en Tchétchénie et la prise d'otages de Beslan ».

Le 7, répondant à l'appel des autorités, des milliers de personnes manifestent contre le terrorisme à Moscou et dans le pays.

Le 8, quelques milliers d'Ossètes manifestent à Vladikavkaz pour réclamer la démission de leur président, Alexandre Dzassokhov.

Le 8 également, le chef d'état-major des armées, le général Iouri Balouevski, déclare que son pays est prêt à « procéder à des frappes préventives pour liquider les bases terroristes dans n'importe quelle région » du monde, en excluant toutefois l'usage de l'arme nucléaire. De son côté, le F.S.B. (ex-K.G.B.) offre 10 millions de dollars pour toute information permettant de capturer le chef de guerre tchétchène Chamil Bassaev ou l'ancien président indépendantiste tchétchène Aslan Maskhadov.

Le 11, Vladimir Poutine limoge des chefs de la sécurité et de la police d'Ossétie du Nord.

Le 13, il annonce une réforme « radicale » des institutions russes en réponse à la menace terroriste. Afin de renforcer la « verticale du pouvoir », il indique que les présidents des républiques et des régions qui forment la Fédération russe seront désormais élus par les Parlements locaux sur proposition du chef de l'État, et non plus au suffrage universel direct. En outre, les membres de la Douma seront tous – contre la moitié aujourd'hui – élus au scrutin proportionnel, afin de favoriser les partis d'« envergure nationale ». Il évoque également un « renouvellement radical » de la politique russe dans le nord du Caucase, région à la fois « victime et plate-forme du terrorisme international », où « la situation économique et sociale [...] continue d'être pitoyable ». Il annonce la création d'une commission fédérale pour le Nord-Caucase, sorte de gouvernement parallèle. L'opposition libérale dénonce ces mesures comme attentatoires à la démocratie.

Le 15, le président américain George W. Bush se dit « préoccupé » par les mesures annoncées qui pourraient « affaiblir la démocratie » en Russie. De son côté, l'exécutif européen continue de défendre une politique « prudente » et « attentiste » à l'égard de Moscou.

Le 17, Chamil Bassaev revendique sur un site Internet la prise d'otages de Beslan ainsi que les attentats perpétrés en août dans le métro de Moscou et contre deux avions de ligne.

Le 17 également, l'ancien président Boris Eltsine affirme, dans un entretien, que « la réduction des droits démocratiques serai[t] aussi une victoire des terroristes ».

Le 22, la Douma approuve une résolution appelant à « la consolidation de toutes les institutions civiles et de toutes les structures du pouvoir ». Plus de quarante projets de loi ou amendements sont à l'ordre du jour de la session qui s'ouvre: renforcement du contrôle des étrangers, limitation de la circulation des personnes, censure des médias en cas de crise sont notamment prévus.

— Universalis

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