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11-24 mars 2004

Espagne. Attentats meurtriers à Madrid et défaite de José María Aznar aux législatives

  • Article mis en ligne le

Le 11, à Madrid, à trois jours des élections législatives, l'explosion simultanée de dix bombes, dont sept frappent deux trains de passagers dans la gare centrale d'Atocha et trois autres visent deux gares de banlieue, fait cent quatre-vingt-onze morts et quelque mille cinq cents blessés. La police localise et fait exploser trois autres bombes. La plupart des responsables politiques imputent aux séparatistes basques de l'E.T.A. cette série d'attentats dont le bilan humain est sans précédent en Europe depuis la destruction du Boeing de la PanAm au-dessus de Lockerbie (Écosse) en décembre 1988. Toutefois, la découverte dans la banlieue de Madrid d'une camionnette contenant des détonateurs et des cassettes du Coran incite le ministère de l'Intérieur à indiquer que la piste de l'E.T.A. reste « prioritaire » mais qu'aucune autre n'est exclue. Dans un texte non authentifié envoyé au quotidien londonien arabophone Al-Qods Al-Arabi, les Brigades Abou Hafs Al-Masri-Al-Qaida revendiquent les attentats qui font « partie du règlement d'un vieux compte avec l'Espagne croisée, l'alliée de l'Amérique dans la guerre contre l'islam ». L'émotion et les réactions de solidarité sont unanimes en Europe et au-delà.

Le 12, l'E.T.A. dément être l'auteur des attentats. Le gouvernement continue toutefois à en faire sa « piste principale », en dépit de nouveaux éléments renforçant l'hypothèse islamiste. Dans la soirée, des cortèges de manifestants rassemblent huit millions de personnes dans le pays, dont deux millions à Madrid.

Le 13, la rumeur d'une désinformation orchestrée par le gouvernement au sujet des auteurs des attentats s'amplifie. L'annonce de l'arrestation de cinq suspects – trois Marocains et deux Indiens –, qui semble confirmer la pertinence de la piste Al-Qaida, est suivie de manifestations de colère dans les grandes villes où des milliers de personnes exigent de connaître « la vérité ». La mise en cause de l'E.T.A. était censée resserrer les rangs derrière le Parti populaire (P.P.) au pouvoir, qui a fait de la lutte contre le terrorisme basque l'une de ses priorités; à l'inverse, envisager sérieusement une action islamiste amenait à considérer l'hypothèse d'une réaction au soutien apporté par le gouvernement, contre l'opinion publique, à l'intervention américano-britannique en Irak.

Le 14, les électeurs infligent une sévère défaite à José María Aznar, au pouvoir depuis mai 1996, en n'accordant au P.P. que 37,6 p. 100 des suffrages et 146 sièges sur 350 (— 37 par rapport au scrutin de mars 2000). Le Parti socialiste ouvrier espagnol (P.S.O.E.) de José Luis Rodriguez Zapatero, qui s'est engagé, en cas de victoire, à rapatrier le contingent espagnol présent en Irak, enregistre le meilleur score de son histoire avec 42,6 p. 100 des voix et 164 élus (+ 39). Les partis nationalistes profitent également du scrutin: les Catalans de Convergence et Union obtiennent 10 élus (3,3 p. 100 des voix), ceux d'Esquerra Republicana de Catalunya, 8 (2,6 p. 100), le Parti national basque, 7 (1,7 p. 100) et le Parti national galicien, 2 (0,8 p. 100). La Gauche unie est en recul, avec seulement 5 élus (— 4; 5 p. 100). La Coalition des Canaries a 3 élus (0,9 p. 100). Le taux de participation atteint 77,2 p. 100.

Le 15, José Luis Rodriguez Zapatero confirme le retrait d'Irak des quelque mille deux cent cinquante soldats espagnols, qualifiant l'intervention américano-britannique en Irak d'« erreur ». Il annonce en outre sa volonté d'accélérer l'adoption de la Constitution européenne bloquée, notamment, par son prédécesseur.

Le 18, la police arrête de nouveaux suspects d'origine maghrébine et établit une relation entre les attentats de Madrid et celui de Casablanca, en mai 2003.

Le 21, l'E.T.A. publie un communiqué dans lequel elle affirme « son absolue disposition à ouvrir un dialogue » avec le prochain gouvernement. Le P.S.O.E. rejette cette offre.

Le 24, de nombreux chefs d'État et de gouvernement participent à la messe des funérailles d'État, célébrée à Madrid à la mémoire des victimes des attentats.

—  ENCYCLOPÆDIA UNIVERSALIS

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