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ZHAO SHULI (1906-1970)

Célébré dans les années 1940 pour avoir rapproché la littérature des masses, Zhao Shuli (1906-1970) mourra de mauvais traitements lors de la révolution culturelle. Le destin tragique de celui qui fut considéré comme un des plus authentiques « artistes du peuple » montre comment le piège de l'idéologie a pu se refermer sur la littérature.

L'artiste du peuple

Zhao Shuli est né le 24 septembre 1906 à Qinshui (Shanxi), dans une famille appauvrie, mais d'un niveau culturel supérieur à la moyenne. Après avoir reçu une éducation classique, il entre à l'école normale numéro 4 du Shanxi, à Changzhi, où il s'initie à la nouvelle littérature. Il adhère en 1927 au Parti communiste et doit fuir la « terreur blanche ». Commence alors une vie errante dans sa province natale, interrompue par un séjour dans une prison du Guomindang (1929-1930). Au cours de cette période, Zhao Shuli exercera tous les métiers, tout en commençant à rédiger ses premières œuvres.

1937 : la guerre sino-japonaise éclate. Zhao Shuli rejoint la guérilla communiste. Chargé de tâches de propagande, il édite des feuilles locales, pour lesquelles il compose des saynètes et des pièces de théâtre, de même que des ballades, avant d'être transféré, en 1943, à l'école du parti du bureau du nord du comité central.

Zhao Shuli avait découvert avec enthousiasme les auteurs, dits « du 4-Mai », qui luttaient pour une langue et une littérature modernes. Mais l'indifférence de son père à la lecture de La Véridique histoire d'A Q, de Lu Xun, lui aurait ouvert les yeux sur la coupure existant entre cette littérature d'intellectuels, largement soumise aux influences occidentales, et la paysannerie. Lui-même prétendra n'être qu'un wentan zuojia (écrivain d'étals de bouquinistes) dont les ouvrages se vendent pour quelques sous au milieu des livrets d'opéras populaires. Son ambition sera d'être lu par les paysans alphabétisés, qui, à leur tour, liront son œuvre aux autres.

Fort de sa profonde connaissance de la vie et du langage de la campagne, Zhao Shuli va réaliser la jonction entre le message progressiste de la nouvelle littérature et le goût paysan. Ses nouvelles des années 1940 décrivent les problèmes qui se posent dans les « zones libérées », sous contrôle communiste, où les anciennes mœurs résistent et où l'administration en place n'a pas fait totalement disparaître les féodalités traditionnelles. L'œuvre qui l'a rendu célèbre, Xiao er hei jiehun (1943, Le Mariage de Xiao Erhei), histoire d'un jeune paysan qui refuse le mariage que ses parents ont arrangé pour lui et qui parviendra à épouser l'élue de son cœur, s'est vendue en six mois à plus de 30 000 exemplaires. Dans Li Youcai banhua (1943, Li Youcai, chansonnier de village), où un chansonnier brocarde les petits chefs et encourage la fronde des villageois de la jeune génération, le personnage principal est une transposition de l'écrivain, qui explique la nouvelle politique à ses compatriotes. Il s'attaque à une œuvre de plus longue haleine avec son roman Lijiazhuang de bianqian (1946, Changements dans le village de Li), qui embrasse une période de vingt ans.

Les œuvres de Zhao Shuli seront bientôt louées par les plus hautes personnalités communistes (Zhou Yang, Guo Moruo ou Peng Dehuai) et saluées comme la mise en application du modèle littéraire fixé par Mao Zedong dans ses Causeries de Yan'an, voire, pour certaines d'entre elles, proposées comme matériaux d'étude aux cadres. Plusieurs seront adaptées au théâtre ou au cinéma.

Le succès de ces histoires tient à leurs sujets, proches de l'expérience et des préoccupations des paysans (liberté du mariage, rapports entre belles-mères et brus, exploitation par les propriétaires fonciers), mais aussi à leur esprit : si elles[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des Université, université Bordeaux Montaigne
  • : professeure émérite à l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO)

Classification

Pour citer cet article

Angel PINO et Isabelle RABUT. ZHAO SHULI (1906-1970) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHINOISE (CIVILISATION) - La littérature

    • Écrit par Paul DEMIÉVILLE, Jean-Pierre DIÉNY, Yves HERVOUET, François JULLIEN, Angel PINO, Isabelle RABUT
    • 47 507 mots
    • 3 médias
    ...quotidienne ; l'auteur y épouse le point de vue et les sentiments supposés du paysan. Ses représentants peuvent être rangés en deux groupes principaux : les écrivains du Shanxi, avec Zhao Shuli (1906-1970) pour chef de file, et les écrivains du Shaanxi, derrière Liu Qing (1916-1978). Les ouvrages des premiers,...

Voir aussi