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YIGUANDAO [YI-KOUAN-TAO]

Société secrète, ou plutôt secte interdite et persécutée, de la Chine moderne, le Yiguandao (Voie de l'unité fondamentale) a connu un succès considérable dans la Chine du Nord, à partir de 1920. Quoique persécutée systématiquement, tant par le Guomindang (qui la considérait comme étant d'inspiration communiste) que par le Parti communiste (qui la jugeait inféodée au Guomindang), cette secte semble être toujours active aussi bien en Chine continentale qu'à Formose.

Les renseignements sur ce mouvement de masse, qui, au moins pendant la période de la guerre sino-japonaise (1937-1945), dominait politiquement et économiquement des régions entières, sont extrêmement rares : on dispose seulement d'articles de journaux dénonçant les crimes de cette société secrète, de récits de transfuges et, enfin, de textes (rituel et catéchisme) émanant de la secte elle-même. Ces sources indiquent que le Yiguandao est avant tout une secte religieuse, dont d'ailleurs les ressemblances avec le Bailianjiao (ou secte du Lotus blanc) sont frappantes. Ses cultes, extrêmement simples et sobres, s'adressent à une Mère universelle appelée Wushen laomu (« la Mère jamais née »). Les membres du Yiguandao sont soumis à des règles de conduite très strictes : on leur demande d'avoir une moralité irréprochable, d'être végétariens (dans la mesure du possible), de se rendre quotidiennement dans le sanctuaire (tan) de la secte et d'y pratiquer l'adoration et le recueillement. De grandes réunions communautaires ont lieu tous les mois, à la pleine lune ; de jeunes élus, qui sont appelés Sancai et qui ont reçu un entraînement spécial du précepteur de la communauté (appelé Dianzhuanshi), entrent alors en transe et prophétisent.

Comme presque toutes les sectes secrètes, le Yiguandao prêche un syncrétisme eschatologique. La cohésion entre ses membres, encore renforcée par la persécution (peu justifiée, il est vrai) dont ils ont été l'objet de la part des autorités, est grande. Celles-ci ne lui ont épargné aucun reproche. Plus authentiquement populaire que les sociétés secrètes de type corporatif sur lesquelles s'appuyait, de façon occulte, le régime républicain, le Yiguandao s'est vu accuser de collaboration avec l'occupant japonais. Néanmoins, les sectateurs du Yiguandao se distinguèrent partout par leur résistance contre l'envahisseur. Après la guerre, le mouvement appuya fortement les réformes proposées par Mao Zedong. Dans certaines provinces, par exemple dans le Sichuan, où les adhérents constituaient 30 p. 100 de la population, la victoire du communisme fut entièrement due à leur attitude favorable au régime. Mais leur espoir en une société meilleure et plus juste (le Sichuan avait été le bastion du Guomindang pendant la guerre sino-japonaise) fut cruellement déçu. Dès 1950, en effet, Mao Zedong lança une campagne (la première de son régime) contre le Yiguandao. On possède peu de renseignements sur l'ampleur de la répression, qui coïncida avec la réforme agraire et les expropriations. On sait seulement que tout membre du Yiguandao était regardé d'emblée comme élément réactionnaire et comme collaborateur de l'ennemi. Néanmoins, il semble bien, d'après les informateurs chinois de l'Asie du Sud-Est, que le Yiguandao vit toujours en Chine, mais il est impossible de se faire, à l'heure actuelle, une idée de son importance réelle.

— Kristofer SCHIPPER

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)

Classification

Pour citer cet article

Kristofer SCHIPPER. YIGUANDAO [YI-KOUAN-TAO] [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LOTUS BLANC, chin. BAILIANJIAO [PAI-LIEN-KIAO]

    • Écrit par Kristofer SCHIPPER
    • 1 153 mots

    La plus importante ou, en tout cas, la plus célèbre des sociétés secrètes chinoises (il faudrait plutôt l'appeler secte proscrite), le Lotus blanc (Bailianjiao, ou Bailian hui) est un vaste mouvement syncrétiste sotériologique et mystique qui remonte au moins au xiie siècle ; à plusieurs...

Voir aussi