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CATHER WILLA (1873-1947)

Tout commence un jour de mars 1883. Willa Cather a neuf ans. Sa famille, des fermiers de lointaine ascendance irlandaise installés en Virginie depuis l'époque coloniale, traverse des temps difficiles ; la compagnie de chemin de fer offre des terres à bon marché à l'ouest, dans la vaste prairie. La première impression de la petite fille lorsqu'elle débarque avec les siens dans un Nebraska recouvert de neige marquera son œuvre : un radical dépaysement, un mélange de terreur de se retrouver « nulle part », dans un plat pays sans arbres ni clôtures, pareil au « rebord du monde », et d'exaltation devant l'ampleur houleuse de cette plaine qui s'étend à perte de vue, avec seulement, ici et là, quelques hameaux dispersés, à peine ancrés dans le plateau, s'accrochant pour ne pas être emportés par le grand vent. Dépaysement d'autant plus grand que ces hameaux sont peuplés d'immigrants venus de Russie, d'Allemagne, de Bohême, du Canada français aussi. La jeune Cather passera son adolescence de garçon manqué à parcourir sur son poney les routes bordées de tournesols et à écouter de vieilles femmes en fichu lui raconter, avec un fort accent, des histoires du « Vieux Pays ».

La symphonie du Middle West américain

Willa Cather est née le 7 décembre 1873 en Virginie ; elle est décédée le 24 avril 1947 à New York.

Alors qu'elle est encore étudiante à l'université de Nebraska, Willa Cather écrit une nouvelle dont le thème resurgira dans d'autres écrits ; elle raconte l'histoire d'un artisan de Bohême que sa femme, qui rêve de propriété terrienne, a poussé à émigrer en Amérique et qui, rendu fou par l'espace et la solitude, boit pour oublier puis, une nuit, alors que les loups hurlent au loin dans la plaine, se suicide après avoir fracassé son violon. Le la était donné. Une revue de Boston accepta la nouvelle. Willa Cather était publiée à l'âge de dix-huit ans. Et pourtant, ce n'est que vingt ans plus tard qu'elle reviendra à ces « souvenances » d'enfance et qu'elle commencera sa vraie œuvre. Entretemps, elle part pour la côte est, travaille comme journaliste, dont six ans (de 1906 à 1912) à New York dans le plus grand magazine de reportage de l'époque, McClure.

Des nouvelles, un premier roman, et en 1913 Willa Cather entre enfin dans son territoire romanesque avec Pionniers. Le titre est emprunté à Walt Whitman et à ses Feuilles d'herbe, et l'histoire d'Alexandra, fille d'un immigrant suédois qui, à la mort de celui-ci, alors que ses deux frères ont préféré chercher fortune à la ville, reprend courageusement la ferme, est une épopée de la terre. Willa Cather l'a voulue pareille au largo de la Symphonie du Nouveau Monde de Dvořák – un « largo » des herbes de la plaine, qui suit majestueusement le rythme des saisons, de l'hiver, quand la marmotte ne sort plus de son trou et que les coyotes hurlent de faim sous le ciel gris, au printemps, puis à l'été, lorsque les chaumes flamboient sous le soleil. Mon Ántonia (1918) est, cinq ans plus tard, l'autre grand roman de ce cycle du Nebraska : Jim Burden, devenu avocat, se souvient d'Ántonia, « son » Ántonia, la petite fille de la ferme d'à côté, avec qui il jouait enfant et qu'il a revue de loin en loin. Quand son père, l'ancien artisan violoneux, s'est suicidé, elle a travaillé durement aux champs, puis est partie « en ville » faire la domestique, s'est laissé tourner la tête au bal par un séducteur qui l'a abandonnée une fois enceinte ; depuis, elle est revenue à la terre, s'est mariée, a eu d'autres enfants et s'est épanouie avec une force tranquille et quasi tellurique. En 1923, Willa Cather remporte le prix Pulitzer pour L'Un des nôtres, paru l’année précédente, un[...]

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Écrit par

  • : professeur de littérature américaine à l'université de Paris IV-Sorbonne et à l'École normale supérieure
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Pour citer cet article

Universalis et Pierre-Yves PÉTILLON. CATHER WILLA (1873-1947) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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