Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

VILLA TRISTE, Patrick Modiano Fiche de lecture

Patrick Modiano : dans le labyrinthe de la mémoire - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Patrick Modiano : dans le labyrinthe de la mémoire

Lorsqu'en 1975 paraît Villa triste, son auteur Patrick Modiano est malgré son jeune âge (vingt-huit ans) un écrivain déjà confirmé et célèbre : il a obtenu le prix Roger Nimier et le grand prix du roman de l'Académie française. Il se situe résolument en dehors du courant littéraire de son époque. Sa vision de la France pendant la Seconde Guerre mondiale suscite la polémique, particulièrement lors de la sortie, en 1974, du film de Louis Malle, Lacombe Lucien, dont le personnage hésite entre Milice et Résistance. Un historien, Henry Rousso, accuse Patrick Modiano, auteur du scénario, de « jouer avec l'ambiguïté des engagements, refusant jusqu'à l'excès tout déterminisme idéologique et promenant ses personnages comme des pantins sans conscience ni morale. Chez lui, l'Occupation a perdu tout statut historique » : c'est effectivement l'objectif avoué de Patrick Modiano.

La vie fantôme

La perte des repères s'accentue avec Villa triste. Dans ce quatrième roman, l'auteur change de lieu et d'époque, passant du Paris occupé pendant la Seconde Guerre mondiale, à une petite ville au bord d'un lac, à proximité de la frontière suisse, dans les années 1960. « Il se passait des choses graves en Algérie mais aussi en Métropole et dans le monde. Je préférais ne pas savoir », avoue le narrateur. « Ma gorge se nouait. Je souhaitais qu'on ne parlât pas trop de cela dans les journaux illustrés. Non. Non. Éviter les sujets importants. »

Victor Chmara, jeune homme de dix-huit ans qui se dit comte et porte pour lire un monocle anachronique, habite une pension de famille dans cette ville qui emprunte beaucoup de ses traits à Annecy. Il ne fait rien. La description de ce rien, de la vacuité de cette existence où le temps se partage entre des déambulations sur un boulevard fantomatique, des rêveries devant un « porto clair » ou des menthes à l'eau et des magazines feuilletés sur une terrasse, occupe une part importante du roman. Victor rencontre René Meinthe, médecin aux activités équivoques liées à la guerre et aux polices parallèles. Il se lie à une jeune femme accompagnée d'un chien, Yvonne Jacquet, dont le narrateur ne parle qu'à l'imparfait, dans la nostalgie d'une période qui semble révolue avant même d'avoir été vécue. Il décrit la jeune actrice en quelques phrases précises et laconiques : « Cheveux auburn. Robe de chantoung vert. Et les chaussures à talons aiguilles que les femmes portaient. Blanches. » Leur liaison amoureuse est elle aussi narrée en des termes distanciés. La peur qui habite Victor face à la guerre se retrouve dans sa relation avec cette femme : ils vivent ensemble dans un hôtel de luxe, écoutent de la musique en lisant à voix haute l'Histoire d'Angleterre d'André Maurois, ils vont rendre visite à l'oncle de la jeune femme. Au moment de prendre l'engagement espéré, attendu, de demander Yvonne Jacquet en mariage, Victor se dérobe. Puis, le jour où devait enfin avoir lieu le départ pour l'Amérique, c'est elle qui disparaît.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Aliette ARMEL. VILLA TRISTE, Patrick Modiano - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Patrick Modiano : dans le labyrinthe de la mémoire - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Patrick Modiano : dans le labyrinthe de la mémoire

Autres références

  • MODIANO PATRICK (1945- )

    • Écrit par Aliette ARMEL
    • 1 763 mots
    • 1 média
    ...deviennent des manières de litanie ou de comptines, accentuant la lenteur du rythme incantatoire de la narration et abandonnant tout pouvoir d'information. Villa triste, le quatrième roman, qui marque le glissement du style vers une fausse précision à la limite de la dilution, est situé dans une sorte de «...

Voir aussi