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KANTOR TADEUSZ (1915-1990)

Un théâtre de la vision

La carrière internationale du metteur en scène commence avec La Poule d'eau (1971), présentée au festival de Nancy, et continue avec Les Mignons et les guenons (1973), toujours de Witkiewicz. Avec La Classe morte (1975), le texte de la pièce de Witkiewicz, Tumeur cervicale, se transforme en une « séance dramatique » qui place les acteurs de plain-pied avec le public : accompagnés de poupées, leurs doubles enfantins, des vieillards assis sur les bancs d'une classe revivent leur jeunesse. Violemment grimés, vêtus de costumes élimés, les acteurs, par moments, disent le texte mentalement, et parfois en débitent des passages tout en participant à l'action principale par des gestes qui n'ont aucun rapport illustratif avec les dialogues qu'ils prononcent. Ces fantômes à la mémoire défaillante, soudain agités de mouvements cataleptiques, subitement ramenés à la vie par les notes d'une valse obsédante, figurent parmi les plus grandes « visions » du théâtre de l'après-guerre.

Présent sur scène, Kantor dirige, tel un directeur d'orchestre, la composition des différents éléments. Son théâtre est celui d'un peintre : le souci de composition définit l'espace où s'intègrent les acteurs, considérés avant tout comme des formes plastiques, ainsi que les objets, véritables sculptures et non pas simples accessoires scéniques. C'est avec Wielopole, Wielopole, réalisé à Florence en 1980, que Kantor devient aussi l'auteur des pièces qu'il crée. Il règle ses comptes avec la martyrologie polonaise, la religion catholique, l'antisémitisme, la famille, l'armée. À partir des souvenirs inspirés par sa famille, la pièce devient un chemin de croix douloureux, un rituel blasphématoire.

Qu'ils crèvent les artistes !, réalisé à Nuremberg en 1985, est une « revue ». Kantor y mélange les exploits d'un cirque infernal, celui de Cricot, avec l'histoire d'un sculpteur cracovien de la Renaissance, Veit Stoss, emprisonné à Nuremberg, qui symbolise la condition de l'artiste dans la société. Avec Je ne reviendrai jamais (1988), Kantor n'apparaît plus sur scène de manière « illégale », mais comme acteur. Entouré par les personnages de toutes ses créations, vieillis, révoltés, il entreprend le voyage du retour d'Ulysse. Néanmoins, Ithaque n'existe plus.

Parmi les « cricotages » – formes brèves, ébauches de ses pièces majeures –, il faut citer Où sont les neiges d'antan (1979), ainsi qu'Une très courte leçon (Institut international de la marionnette de Charleville-Mézières, 1987) et Ô douce nuit (festival d'Avignon, 1990), réalisées au terme de stages avec de jeunes acteurs. Tadeusz Kantor meurt le 8 décembre 1990, à Cracovie.

Tout en refusant la formule du théâtre engagé ou du théâtre politique, la volonté de provocation de Kantor et son désir d'aller toujours à contre-courant des idées admises ont fait de lui un témoin impitoyable et ironique de son temps. Son théâtre, tout en puisant ses sources dans la tradition et dans l'histoire polonaises, a su parler aux publics les plus divers. Obligé de s'interroger sur le sens de la vie, de la mort, de la guerre, du jeu sans cesse renouvelé de la victime devenue à son tour bourreau, le spectateur découvre qu'il lui sera désormais impossible de se penser innocent.

— Brunella ERULI

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Écrit par

  • : professeur associé de littérature française à la faculté des lettres de Florence (Italie)

Classification

Média

Tadeusz Kantor - crédits : M. Kalter/ AKG-images

Tadeusz Kantor

Autres références

  • LA CLASSE MORTE, Tadeusz Kantor

    • Écrit par
    • 326 mots

    Tour à tour peintre, plasticien, scénographe, puis metteur en scène et auteur, Tadeusz Kantor (1915-1990) fonde en 1955 le Théâtre Cricot 2 (anagramme de « to cyrk », le cirque). Dans la cave de la galerie Krysztofory à Cracovie, il poursuit une recherche théâtrale issue de diverses influences...

  • POLOGNE

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