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JERF EL AHMAR SITE ARCHÉOLOGIQUE DE, Syrie

Objets de la vie courante et « pièges à idées »

Les objets de la vie quotidienne sont caractéristiques de la culture mureybétienne (définie à Mureybet, 60 km plus au sud, par Jacques Cauvin). Le site est riche en outillages de silex (pointes de flèches diverses, grattoirs, herminettes) et d'os (poinçons, aiguilles, manches). De petits récipients, comme de grands bassins, sont façonnés dans le calcaire local. Par contre, l'obsidienne est importée d'Anatolie comme l'a montré Marie-Claire Cauvin. Elle est utilisée de préférence pour façonner (sur place) des objets de prestige, tels que de très belles pointes de flèche. Les matériaux importés d'Anatolie servent d'ailleurs, de façon générale, à fabriquer des objets à forte valeur ajoutée : éléments de parure, objets décorés. Cette importation évoque des échanges et des contacts humains entre la vallée de l'Euphrate et l'Anatolie. Mais il ne faut pas oublier qu'elle pouvait être, dans certains cas, naturelle : de nombreux galets, roulant depuis l'amont, fournissaient une matière colorée et variée directement accessible.

Le monde des symboles se révèle dans l'architecture, les dépôts funéraires et le mobilier. Une découverte majeure (1999) a permis de confirmer le rôle, mis en lumière par Jacques Cauvin, de l'aurochs dans l'imaginaire de l'époque. Une petite maison ronde, incendiée, a livré trois massacres et un bucrane d'aurochs qui devaient être suspendus aux murs. Un collier fait d'éléments de terre séchée était associé à l'un des massacres.

Des vases en pierre décorés, des figurines humaines et animales, de longs bâtons en pierre polie et divers supports gravés présentent un grand intérêt pour la connaissance de cette culture. Nous les avons surnommés « pièges à idées » pour éviter d'utiliser le concept d'art, mal adapté à certains contextes. Presque toujours façonnés en chlorite (provenant d'Anatolie), on y décèle des indices de recyclage, suggérant le prix qu'on accordait à cette matière.

Les représentations humaines, contrairement à ce qui était connu pour l'époque dans d'autres sites (Mureybet) ne sont attestées que par des têtes aux visages finement sculptés. Ce choix est sans doute à mettre en relation avec les dépôts de crânes humains, principales pratiques funéraires attestées à Jerf el Ahmar. Cette importance accordée à la tête humaine s'amplifiera dans les cultures qui succéderont au P.P.N.A.

Les représentations animales (figurines, gravures) évoquent des espèces prédatrices ou dangereuses : chat sauvage, serpent, scorpion, rapaces, mais dont on connaît, dans des cultures plus tardives, l'importance symbolique (vie, circulation des âmes). Le site s'est illustré par la découverte, inédite pour le Néolithique proche-oriental, de petits objets en pierre, gravés de figures schématiques et de symboles abstraits, évoquant un système de signes. Ces « pictographes » ont pu jouer le rôle d'aide-mémoire faisant allusion à des récits à caractère mythique ou initiatique.

— Danielle STORDEUR

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur de la mission permanente El Kowm (ministère des Affaires étrangères)

Classification

Pour citer cet article

Danielle STORDEUR. JERF EL AHMAR SITE ARCHÉOLOGIQUE DE, Syrie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Emplacement de la zone de sauvetage du barrage du Tishrin - crédits : Encyclopædia Universalis France

Emplacement de la zone de sauvetage du barrage du Tishrin

Zone de sauvetage du Tishrin, Syrie du Nord - crédits : Encyclopædia Universalis France

Zone de sauvetage du Tishrin, Syrie du Nord

Maison du niveau II/W, Jerf el Ahmar, Syrie - crédits : D. Stordeur

Maison du niveau II/W, Jerf el Ahmar, Syrie