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WEIL SIMONE (1909-1943)

Une pensée en action

La célébration du centenaire de la naissance de Simone Weil a donné lieu à une profusion de publications consacrées à sa vie et à son œuvre. Une œuvre intégralement posthume, à l'exception de quelques articles publiés de son vivant dans des journaux et des revues. De sa vie courte – trente-quatre années – mais si intense, dont son amie Simone Pétrement fut la première à rendre compte, que retenir ?

Avec Sylvie Weil (Chez les Weil : André et Simone), nièce de la philosophe, nous pénétrons dans l'intimité de la famille Weil tout entière. S'intéressant à vrai dire davantage à l'aîné de la géniale fratrie, André Weil, le célèbre mathématicien cofondateur du groupe Bourbaki, qu'à cette tante plutôt « encombrante » qui mourut quelques mois seulement après sa naissance, l'auteur rétablit quelques vérités biographiques jusque-là méconnues concernant la branche maternelle de la famille et ses ascendances juives, du côté de la Galicie. Des racines que paradoxalement la philosophe, née dans une famille bourgeoise très assimilée, n'ayant reçu aucune éducation religieuse et « rattrapée » par le régime de Vichy, rejeta avec véhémence, elle qui avait pourtant diagnostiqué que l'Europe souffrait précisément de la maladie du déracinement.

La biographie de Laure Adler (L'Insoumise, Simone Weil), qui choisit délibérément d'aborder cette vie sous l'angle de sa fin tragique pour remonter ensuite à rebours le cours du temps – tuberculeuse, Simone Weil se laissa en effet mourir en refusant de s'alimenter dans un sanatorium d'Angleterre où elle était parvenue à se faire rapatrier de son exil à New York en 1943 dans les services de la Résistance –, place la philosophe sous le signe de l'« insoumission ». Dès l'adolescence, en effet, son mépris des conventions propres à son milieu d'origine, la bourgeoisie cultivée, son dédain des apparences, ses convictions aussi indisposent. On la surnomme « la Martienne », « monstrum horrendum », « la Vierge rouge », et pour son frère elle est tout simplement « un champignon sur l'humus ». Lors de sa brève carrière de professeur (octobre 1931-décembre 1934), ses rapports avec sa hiérarchie sont houleux, en raison de la sympathie qu'elle montre pour les ouvriers – se nourrissant à peine, ne se chauffant pas, dormant à même le sol, elle verse la moitié de son salaire à la caisse des chômeurs, apprend à faire une soudure, descend dans la mine – et des engagements syndicaux qu'elle affiche ouvertement : on la verra ainsi en tête des manifestations de mineurs au chômage, arborant le drapeau rouge, parlant au public contre le fascisme à la Bourse du Travail où elle dispense des cours du soir. Elle publiera des articles dans La Révolution prolétarienne.

Christiane Rancé (Simone Weil. Le Courage de l'impossible) met quant à elle en évidence le courage de celle qui désira toujours se porter aux avant-postes : ainsi de son expérience dans la colonne de miliciens espagnols qu'elle rejoignit au bord de l'Èbre en août 1936, et qui fut rapidement interrompue par un malencontreux accident – très myope, Simone Weil mit malencontreusement le pied dans une bassine d'huile bouillante –, de son projet d'infirmières de première ligne dispensant les premiers soins aux blessés et les réconfortant qu'elle élabora en 1941, ou encore de ses activités de résistante lors de son exode à Marseille où elle distribua le trois premiers numéros de Témoignage chrétien. Courage de celle qui, trop bien née, se confronta au monde réel en endurant dans sa propre chair la souffrance des ouvriers dans les trois usines successives où elle se fit embaucher, vérifiant sur le terrain un certain nombre d'idées théoriques exposées dans ce qu'elle nomme son « premier[...]

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Pour citer cet article

Sylvie COURTINE-DENAMY et François HEIDSIECK. WEIL SIMONE (1909-1943) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Simone Weil - crédits : Apic/ Getty Images

Simone Weil

Autres références

  • POUVOIR (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 501 mots
    ...associations des remparts solides contre les excès de l’État. Quelle que soit la force de ces constructions théoriques, on peut penser que c’est seulement avec Simone Weil (1909-1943) qu’une réponse rationnelle a été apportée à La Boétie : « Sans doute, en toute occasion, ceux qui ordonnent sont moins nombreux...

Voir aussi