Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SHU JING [CHOU KING]

Le Shu jing est, avec le Yi jing et le Shi jing, un des trois plus anciens livres canoniques chinois. Le mot shu signifie écrire, écrit, document, et se référait à l'origine aux notations faites par les scribes de la cour des paroles royales. Des milliers de ces « écrits » ont dû être en circulation dans l'Antiquité. D'après tous les auteurs anciens (qui sont contredits par la plus grande partie de la critique moderne), c'est Confucius qui aurait choisi une centaine des meilleurs documents pour les rassembler dans le prototype du livre (appelé simplement Shu) que l'on connaît aujourd'hui. Cette édition fut proscrite et brûlée lors de l'incendie des livres en ~ 213. Sous les Han, une partie du livre fut retrouvée et appelée Shang shu. La recension actuelle du livre est fondée d'une part sur les reconstitutions opérées sous les Han, d'autre part sur des faux. Les reconstitutions des Han se sont réparties en deux traditions : celle dite du « texte moderne » (jinwen), en vingt-neuf chapitres, et celle dite du « texte ancien » (guwen), en cinquante-huit chapitres ; les querelles entre les partisans de l'une et de l'autre de ces traditions ont animé l'histoire intellectuelle chinoise jusqu'au début du xxe siècle. Le Shang shu semble s'être perdu encore dans les troubles qui marquèrent la fin des Jin occidentaux au début du ive siècle, et, depuis longtemps, on sait que la reconstitution qui a été offerte au trône vers 320 est, en ce qui concerne les chapitres appartenant à la recension du « texte ancien », un faux : ces chapitres furent fabriqués au siècle précédent. C'est pourtant cette version qui a été acceptée dans le canon officiel et qu'on trouve sous le nom de Shu jing aujourd'hui, nom qui ne lui fut donné que sous les Song méridionaux.

Le Shu jing est divisé en cinq parties dynastiques et les documents sont arrangés selon la dynastie sous laquelle ils sont censés avoir été écrits. Seuls les documents appartenant à la cinquième partie, consacrée aux Zhou, ont des chances d'être authentiques ; tous les autres sont plus tardifs, les parties censées être les plus anciennes (du ~ IIIe millénaire) sont en fait les plus récentes (du ~ iiie siècle).

Les chapitres du Shu jing sont composés de documents disparates, la plupart sans lien direct entre eux. Leur haute antiquité, tout en leur donnant leur grande valeur et leur intérêt, rend difficiles leur lecture et nos essais d'étudier le milieu dans lequel ils ont été élaborés. La plupart des chapitres se présentent comme des conversations entre les souverains et leurs officiers, ou comme des harangues incitant à la vertu, au courage, à la sobriété ou à la discipline. Le style en est concis, ardu même, et la langue très différente de celle de toute la littérature postérieure ; seules les inscriptions sur bronze datant des Zhou présentent les mêmes particularités linguistiques et donnent ainsi une preuve de l'authenticité de certains chapitres au moins. Cette antiquité inspire la grande vénération que les Chinois ont témoignée de tous temps envers ce livre, mais il y a davantage : dans les phrases courtes et hachées, nous voyons les premiers penseurs de l'histoire chinoise en train de jeter les bases de la philosophie, une philosophie née, comme la philosophie grecque, d'une rationalisation et d'une humanisation de la religion antique. Ainsi, le duc de Zhou, à la fin du ~ IIe millénaire, incite son neveu, le roi Cheng, à la « vertu » (de), terme mystérieux, encore entouré de l'idée de puissance divine accordée par naissance royale ; il explique au peuple la théorie du « mandat céleste » (tianming), selon laquelle le « droit divin » des rois n'était en fait qu'un mandat révocable par le Ciel quand le roi manque à ses devoirs. Nous sommes ici en[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancien directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

Classification

Pour citer cet article

Donald HOLZMAN. SHU JING [CHOU KING] [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CHINOISE (CIVILISATION) - La littérature

    • Écrit par Paul DEMIÉVILLE, Jean-Pierre DIÉNY, Yves HERVOUET, François JULLIEN, Angel PINO, Isabelle RABUT
    • 47 507 mots
    • 3 médias
    À cette époque remontent trois recueils, les Documents (Shu), les Poèmes ( Shi) et les Mutations (Yi), qui sont à la base de la tradition littéraire chinoise. La datation en est du reste approximative ; d'après la critique actuelle, la plupart de ces textes ne sont guère antérieurs à l'an 800 et...
  • CONFUCIUS & CONFUCIANISME

    • Écrit par ETIEMBLE
    • 14 434 mots
    • 2 médias
    Recueil de documents de dates et de valeur diverses, le Canon des documents fut censément compilé, classé par Confucius. Il ne s'agit point de documents historiques, au sens que nous donnerions à ce mot, mais d'élaborations littéraires, morales et philosophiques ; on y trouve en particulier un exposé...
  • ÉLÉMENTS THÉORIES DES

    • Écrit par René ALLEAU
    • 8 197 mots
    Le Hong fan, inséré à titre de chapitre dans le Shu jing, est un petit traité qui passe communément pour le plus ancien essai de la philosophie chinoise. La tradition des lettrés prétend y voir un ouvrage du IIe millénaire avant J.-C. Les critiques modernes le font remonter, les uns au viii...
  • GU WEN [KOU WEN]

    • Écrit par Odile KALTENMARK
    • 1 170 mots
    Plusieurs de ces classiques sont d'ailleurs tenus pour apocryphes par les savants modernes, et plus particulièrement certains chapitres du Shu jing, suspects depuis des siècles, probablement fabriqués par l'auteur du Jia yu(Entretiens familiers de Confucius), un des maîtres du gu wen au iii...

Voir aussi