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LANG SERGE (1927-2005)

Mathématicien américain d'origine française, Serge Lang refusait qu'on puisse confondre abstraction et non-sens. L'utilisation d'un langage universitaire abstrait pour exprimer des opinions qu'il croyait insensées l'irritait tout autant que le fait que des idées nécessairement abstraites n'aient pas de sens pour ses collègues plus âgés ou pour ses jeunes étudiants. « Trouble-fête congénital » de son propre aveu, il ne reculait pas devant la controverse. Malgré de remarquables travaux en théorie des nombres et en géométrie algébrique et malgré tous les livres de mathématiques qu'il a écrits, Lang est avant tout célèbre, auprès d'un large public, pour son goût de la polémique.

Né à Paris le 19 mai 1927, Lang est encore adolescent lorsqu'il émigre avec sa famille en Californie. Au terme d'une licence de physique à Caltech, l'institut de technologie de cet État, il passe un an et demi dans l'armée américaine, avant de s'engager dans des études de doctorat à la prestigieuse université de Princeton en 1951, sous la direction d'Emil Artin (1898-1962). Il enseigne à Princeton et à Chicago avant d'être nommé professeur à l'université Columbia dans la ville de New York, en 1955. Il passe l'année 1958 à Paris comme boursier Fulbright. En 1971, il rejoint l'université de Yale à laquelle il restera associé jusqu'à sa mort, le 12 septembre 2005 à Berkeley (Californie).

Comme tout mathématicien original, Lang a certes prouvé des théorèmes. Mais son rôle principal fut d'ouvrir des pistes fécondes. Il systématise les démonstrations, en explique les stratégies, et, surtout, propose des conjectures qui apportent un point de vue nouveau sur un sujet et laissent entrevoir ce qu'il pourrait en advenir. À la suite de son maître Artin, il s'occupe d'abord de travaux d'algèbre abstraite (la clôture quasi algébrique) pour lesquels il reçoit le prix Frank Nelson Cole de l'American Mathematical Society (AMS) en 1959. Il recevra aussi le prix Carrière de l'Académie des sciences. Puis, il crée le domaine de la géométrie diophantienne en voulant résoudre des problèmes de théorie des nombres à travers les avancées récentes de la géométrie algébrique, à la suite des travaux d'André Weil (1906-1998) notamment.

Lang adopte un style moderne et sans concession que certains lui reprochent sévèrement. L'arithméticien Louis Mordell (1888-1972) le malmène rudement en 1962 et Carl Ludwig Siegel (1896-1981) fait circuler une lettre dans laquelle il le compare à « un cochon lâché dans un jardin ». À cette époque, l'abstraction – « insensée », écrit Siegel – irrite parfois la vieille garde qui n'en perçoit pas toujours l'utilité. Lang a le malheur de se placer entre la génération de Bourbaki, dont les fondateurs sont nés dans la première décennie du xxe siècle, et celle qui s'est formée à l'aune des œuvres d'Alexandre Grothendieck (1928-2014) que Lang se jugeait trop vieux (bien qu'il ne soit né que dix mois avant Grothendieck) pour pouvoir bien absorber. Les développements récents ont souvent donné raison à Lang. Gerd Faltings (né en 1954) prouve la conjecture dite de Mordell-Lang en 1983, ce pourquoi il reçoit la médaille Fields, et Andrew Wiles (né en 1953) le dernier théorème de Fermat, en partie grâce aux travaux de Lang.

Lang écrira plus de quarante monographies couvrant un large spectre des mathématiques, si bien que l'on compare ce collaborateur de Bourbaki à son maître polycéphale. Son Algèbre, d'abord publiée en 1965, révolutionne la façon dont on enseigne le sujet. Invité à plusieurs reprises au palais de la Découverte, à Paris, au début des années 1980, Lang publie de nombreux ouvrages de vulgarisation où il s'efforce de communiquer l'attrait[...]

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David AUBIN. LANG SERGE (1927-2005) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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