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BONNAIRE SANDRINE (1967- )

Être fidèle à soi-même

Ce n’est qu’au fil d’une longue filmographie que l’on peut tenter de cerner la « mythologie » d’un acteur. En ce qui concerne Sandrine Bonnaire, il y a d’abord les films qu’il « faut faire » pour la carrière, ou simplement pour exister comme actrice (Prague, Ian Sellar, 1992 ; Confidences à un inconnu, film russe du Français Georges Bardawil, 1996 ; Salaud, on t’aime, de Claude Lelouch, 2014 ; The Soul of a Spy[Dushashpiona, 2015], du Russe Vladimir Bortko, par exemple...). Mais Sandrine Bonnaire choisit le plus souvent, au gré de son inspiration, des sujets ou des réalisateurs dont elle se sent proche. Sans toit ni loi lui correspondait parfaitement. Elle est aussi remarquable lorsqu’elle incarne Félicité, l’héroïne du conte de Flaubert Un cœur simple (Marion Laine, 2008) : l’actrice donne vie et émotion à une illustration trop prudente...

La maladie et l’enfance retiennent particulièrement l’attention de Sandrine Bonnaire. On comprend que l’un de ses plus films les plus poignants soit C’est la vie, de Jean-Pierre Améris (2001). Bénévole accompagnant des personnes en fin de vie, elle ramène à « La Maison » un homme atteint d’une maladie incurable, interprété avec sensibilité par Jacques Dutronc. L’actrice s’investit également dans le téléfilm Bébés volés (Alain Berliner, 2016), sur les enfants retirés à leur mère dans l’Espagne franquiste. Dans la série La Maison des enfants, Margaux Dampierre se bat pour la réouverture d’une maison de convalescence pour enfants. En 2016, Sandrine Bonnaire participe également au long-métrage de fiction de Marie-Castille Mention-Schaar, Le Ciel attendra (2016), autour d’adolescentes tentées par le djihad et de leurs parents désarmés. Parfois, la générosité, une certaine sentimentalité à fleur de peau ou le souci de convaincre l’emportent, comme ici, sur toute autre considération. Il faut un film déconnecté de ces préoccupations immédiates pour que l’on retrouve une Sandrine Bonnaire totalement saisie par la passion, comme dans dans le surprenant Joueuse (2009), de Caroline Bottaro où elle interprète une femme de chambre, Hélène, brusquement saisie par la fièvre du jeu d’échecs !

Sandrine Bonnaire a longtemps pris plaisir à être regardée, jusqu’au jour où elle a découvert combien pouvait lui apporter l’observation des autres. En 2007, elle réalise un documentaire sur sa jeune sœur autiste, Sabine. Il s’intitule significativement Elle s’appelle Sabine. Le film est certes un réquisitoire contre le manque de structures, d’aides, les traitements erronés et parfois inhumains. Mais c’est aussi un acte d’amour qui vise à donner à cette sœur l’identité que lui refuse la société. Dans ce document d’une grande délicatesse, Sandrine Bonnaire fait rayonner la beauté du monde autour de Sabine en même temps que celle de la jeune autiste, sans en cacher la tonalité tragique.

Sandrine Bonnaire échoue en partie, en 2012, dans sa tentative de rendre hommage, dans une fiction, J’enrage de ton absence, à un homme qui a compté dans la vie de sa mère avant de devenir SDF. Ce personnage est interprété par William Hurt, avec lequel l’actrice a vécu quelques années. Le film s’attache en fait plus à l’enfant qu’à cet homme au bord de la folie, mettant le spectateur en porte-à-faux. Malgré tout, son originalité et la force de certaines scènes confirment l’existence d’une véritable cinéaste.

— Joël MAGNY

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Écrit par

  • : critique et historien de cinéma, chargé de cours à l'université de Paris-VIII, directeur de collection aux Cahiers du cinéma

Classification

Pour citer cet article

Joël MAGNY. BONNAIRE SANDRINE (1967- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PIALAT MAURICE (1925-2003)

    • Écrit par Joël MAGNY
    • 1 746 mots
    ...eux-mêmes la seule façon d'être et d'agir... Parfois aussi, le miracle de la vraie « première fois » se produit, avec la découverte d'une immense actrice, Sandrine Bonnaire, la Suzanne d'À nos amours. Plus que l'intrigue ou la perfection du montage, le corps de l'acteur est au cœur de l'œuvre de Pialat....
  • SOUS LE SOLEIL DE SATAN, film de Maurice Pialat

    • Écrit par Michel CHION
    • 989 mots
    ...aussi fervent et humble, donc aussi crédible et émouvant, « se donnant » à un texte comme le personnage se donne à son destin après avoir beaucoup douté. Sandrine Bonnaire (révélée par Pialat dans À nos amours, en 1983) est remarquable, bien qu'un peu trop adulte et charnelle pour incarner la Mouchette...

Voir aussi