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BUTLER SAMUEL (1612-1680)

Fils d'un fermier prospère et très dévot, Butler naquit à Strensham (Worcester) en 1612 et n'aurait sans doute pas fréquenté l'Université. Après avoir travaillé auprès de la comtesse de Kent qui lui ouvrit sa bibliothèque, il serait passé au service de Samuel Luke, presbytérien sévère, colonel d'un régiment de dragons, dont la personne et l'entourage (des puritains fanatiques) lui auraient inspiré Hudibras, satire burlesque et impitoyable du puritanisme et de l'obscurantisme.

La première partie de Hudibras fut publiée en décembre 1662 — Samuel Pepys y fait une allusion très critique (« de sottes insultes ») dans son Journal à la date du 26 décembre 1662. L'œuvre, pourtant, jouit instantanément d'une très grande popularité — le roi lui-même en fit grand cas. Il fallut attendre 1664 et 1677 pour que paraissent respectivement les deuxième et troisième parties de l'œuvre. Passé au service du duc de Buckingham qu'il accompagna en mission à Versailles en 1670 et à La Haye en 1672, Butler, pourtant très apprécié de Charles II, dut néanmoins attendre 1677 pour que celui-ci lui accordât une pension. Bien qu'il fût célèbre, Butler mourut dans la pauvreté à Londres, le 25 septembre 1680.

Hudibras est un long poème écrit en octosyllabes dont chacune des trois parties est divisée en trois chants. Butler y met en scène deux personnages principaux dont les relations font parfois penser à celles de Don Quichotte et de Sancho Pança : Hudibras, chevalier presbytérien, et Ralpho, son écuyer, membre de l'Église indépendante, en désaccord constant avec son maître sur les questions théologiques. Hudibras, confiant en la logique d'Aristote, très cultivé, féru de rhétorique, est néanmoins aveuglé par son savoir qui lui masque l'évidence ou la lui fait découvrir par des voies inutilement contournées. Ralpho, à l'opposé, très mystique, se place au-delà de l'empirisme qui, selon Butler, est pourtant la seule approche saine de la réalité. Un troisième personnage, qui apparaît dans la deuxième partie, Sidrophel, représente à la fois l'outrecuidance de la science et le charlatanisme, thèmes que Butler reprit en 1676 avec L'Éléphant dans la Lune, satire de l'Académie royale des sciences prise au piège de ses prétentions.

Irrité par les débats théologiques, scientifiques et scolastiques qui avaient cours en son temps, Butler préconise un recours constant à la raison, au sens commun, voire à l'utile. Très marqué par la philosophie de Bacon mais plus sceptique que lui, il s'attaque à la crédulité et à l'intolérance. Convaincu que l'ordonnance divine du monde doit servir de référence constante, il cherche un modèle de vie dans la « juste observation de la nature » (Carnets). Il se méfie néanmoins des impressions sensorielles tout en redoutant les trop grandes certitudes logiques et le pédantisme autant que l'irrationnel et les passions. Croyant, il tient à l'écart la théologie qui, selon lui, « trouve des explications raisonnables à ce qui est hors du champ de la raison » (Carnets).

La forme héroï-comique est particulièrement bien adaptée aux intentions de Butler : la satire de l'épopée n'est pas que satire d'un genre ; elle permet aussi, à la suite de Cervantès et de Scarron, de ridiculiser à bon compte idéaux et conventions, sources d'erreur. Le ton de Butler est sans cesse corrosif, mêlant l'ironie, la farce, le burlesque, la caricature et la parodie des discours de ceux (puritains, hommes politiques ou hommes de science) qu'il entend stigmatiser.

— Pascal AQUIEN

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, docteur de troisième cycle, ancien élève de l'École normale supérieure de Saint-Cloud, maître de conférences à l'université d'Amiens, École supérieure de chimie

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Pascal AQUIEN. BUTLER SAMUEL (1612-1680) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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