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SAINT-ÉVREMOND CHARLES DE MARGUETEL DE SAINT-DENIS DE (1614-1703)

Un sage

Dès la cinquantaine, Saint-Évremond s'est installé dans le personnage d'un vieillard qui n'a pas renoncé au monde ni aux plaisirs, mais sait en user avec une sage modération. Il aime, comme Montaigne, les longues lectures où l'on apprend à mieux connaître les hommes ; c'est pourtant dans le commerce de ses pairs, dans leur amitié et leur conversation qu'il puise surtout son butin et trouve sa délectation. Avant Pascal, il a mis en lumière, dans sa Lettre sur les plaisirs, l'importance du divertissement, mais pour en faire l'éloge : en nous détournant de la contemplation de nous-même, le divertissement renouvelle sans cesse notre curiosité et notre intérêt pour les autres. Sans doute les hommes, autant qu'à Molière, offrent-ils à Saint-Évremond le spectacle de leurs ridicules, et à cet égard son ironie ne le cède pas en subtilité à celle de Voltaire. Avec plus de mesure toutefois, la courtoisie étant la vertu maîtresse de l'homme de qualité.

Plutôt qu'un philosophe, il est un moraliste, sans esprit de système, à la différence de La Rochefoucauld, mais non sans consistance. Bien trop sage et attaché au monde dans lequel il vivait pour éprouver la tentation de la révolte, il n'en a pas moins remis en question, avec sa discrète sérénité, bien des idées reçues. Aussi a-t-il joué son rôle dans la crise qui, selon l'heureuse formule de Paul Hazard, a ébranlé la conscience européenne au déclin du xviie siècle et à l'aube du xviiie. Aujourd'hui encore, le charme singulier de cet homme et de cette œuvre est bien loin de s'être dissipé.

— Jean THOMAS

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Écrit par

  • : inspecteur général honoraire de l'Instruction publique, ancien élève de l'École normale supérieure

Classification

Pour citer cet article

Jean THOMAS. SAINT-ÉVREMOND CHARLES DE MARGUETEL DE SAINT-DENIS DE (1614-1703) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LIBERTINS

    • Écrit par Robert ABIRACHED, Antoine ADAM
    • 5 715 mots
    ...sagesse, et, parmi toutes les vertus, l'amitié. C'est cet épicurisme délicat que l'on retrouve à la fin du siècle chez Chaulieu. Il inspire l'œuvre de Saint-Évremond (1614 env.-1703). Il faut ne pas connaître cette époque pour voir chez les épicuriens un égoïsme jouisseur et sottement optimiste. Personne...