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RITUEL

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L'approche « pragmatique » : ce que « fait » le rituel

L'approche qui ne voit dans la communication rituelle que des valeurs expressives, des symboles assimilables à un langage, à un code digital dont le sens provient des paires contrastées se trouve précisément mise en question par les auteurs qui estiment que le rituel « fait » quelque chose et ne peut être comparé à un code verbal de communication. Il faut l'analyser dans la totalité de la situation qu'il instaure et qui comprend : des messages, des émetteurs, des destinataires, un contexte. Dan Sperber remarque, à propos du structuralisme, que l'anthropologie a tendance à penser séparément les « codes » et les « réseaux », alors que le rituel, de même que le politique, constitue manifestement des phénomènes à appréhender simultanément en termes de codes et de réseaux, de messages et de canaux : dans la politesse, par exemple, « ce qui est communiqué et la situation de communication sont intimement liés ». On peut séparer le langage de la communication linguistique, mais un rituel ne peut être réduit à un code, car « la signification et la composition même d'un message [rituel] dépendent des positions de celui qui l'émet et de celui qui le reçoit ». Le rituel subit les contraintes à la fois d'un système de signes et d'un système d'échanges. Critiquant l'approche « sémiologique » d'un auteur comme V. Turner, D. Sperber montre que l'action symbolique n'est pas un code assignant à un symbole une interprétation (il n'y a donc pas à décoder celle-ci) et que l'exégèse d'un symbole n'est pas son interprétation, mais au contraire une de ses extensions – justiciable, elle aussi, d'une exégèse. Faute de la comprendre, l'approche sémiologique peut produire des interprétations ad infinitum. Selon la perspective de Sperber, parfois jugée trop « cognitiviste », le symbolisme n'est pas organisé par une grammaire (où des règles engendreraient des énoncés) ni doté de signification au sens où un petit nombre de symboles s'y trouvent associés à une infinité possible de représentations (la fécondité, le matrilignage, la féminité, etc. dans l'exemple de Turner). C'est un « mécanisme cognitif » qui éclaire un contexte (au lieu d'être éclairé par un contexte) consistant en une série d'opérations : schématiquement, la « mise entre guillemets » d'une représentation conceptuelle défectueuse ; la focalisation sur la condition responsable de ce défaut ; l'apparition d'une évocation dans le champ de la focalisation (« le lion est un animal » n'est pas un énoncé symbolique, tandis que « le lion est le roi des animaux » en est un).

Reprenant l'étude des rituels de l'incwala swazi, Pierre Smith, de son côté, a montré que les rites s'organisent « autour d'éléments centraux focalisateurs », d'objets fonctionnant comme des « pièges à pensée » (ainsi les rhombes se retrouvent dans de très nombreux rituels d'initiation), et à l'intérieur des divers systèmes rituels qui coexistent dans la même société. C'est donc en partant d'approches très différentes que certains auteurs se rencontrent pour critiquer la perspective « symboliste-expressive » et pour préconiser une appréhension « pragmatique » et en totalité de la situation de communication rituelle (messages et réseaux). On peut mentionner à ce sujet le courant « intellectualiste », issu des travaux de Tylor et représenté par R. Horton, qui traite l'action rituelle de façon littérale, comme une tentative rationnelle pour expliquer, prédire et contrôler le monde, sur un mode qui n'est pas si éloigné de la pensée scientifique. De même, G. Lewis, à propos des Gnau de Nouvelle-Guinée, a fait remarquer que, plus que sa signification, ce qui est explicite dans le rituel, envisagé[...]

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Pour citer cet article

Nicole SINDZINGRE. RITUEL [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Danse rituelle, E. S. Curtis - crédits : AKG-images

Danse rituelle, E. S. Curtis

Rituel de passage - crédits : Paul Chesley/ The Image Bank/ Getty Images

Rituel de passage

Autres références

  • ABORIGÈNES AUSTRALIENS

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  • AFRIQUE NOIRE (Culture et société) - Religions

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  • AMÉRINDIENS - Hauts plateaux andins

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    ...villages n'a plus les mêmes fonctions que par le passé mais se maintient dans beaucoup de villages du centre-sud des Andes à des fins rituelles et festives. Ailleurs, on observe la survivance fragmentaire de rituels préhispaniques : la coupe des cheveux de l'enfant, les offrandes déposées sur les tombes ancestrales...
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