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RÉFORME RADICALE

À côté de la réforme catholique et de la réforme protestante, qui relèvent toutes deux du type de l'Église, le xvie siècle a connu une réforme qui est du type de la secte. On l'appelle troisième réforme, réforme de gauche (Leftwingers) ou réforme radicale. Cette dernière expression paraît la plus apte à caractériser ses principes. Il s'agit en effet ici non plus de réforme personnelle, ni de re-formation selon la Bible d'une chrétienté et d'une Église en quelque sorte simplement déformées, mais bien d'un effort pour reprendre à la racine (radix) le problème de l'Église chrétienne. Les radicaux enseignent tous que l'Église est déchue depuis Constantin (ou le pape Sylvestre), qu'il n'y a donc plus d'Église et qu'il faut la restituer selon le modèle offert par l'Écriture.

Le radicalisme religieux s'est exprimé, au xvie siècle, dans quatre mouvements distincts : celui de Thomas Münzer ; celui de Melchior Hofmann, avec son prolongement munstérien ; l'anabaptisme pacifique suisse, allemand du Sud et hollandais ; l'antitrinitarisme ou socinianisme. Münzer et l'épisode du royaume de Dieu de Münster (Westphalie) évoquent un mouvement révolutionnaire, appuyé sur les classes défavorisées de l'Empire. Hofmann était un chiliaste pacifiste. L'anabaptisme suisse et l'antitrinitarisme, également pacifiques, ont d'abord touché les classes pauvres de la société. L'antitrinitarisme, d'origine italienne et rhétique, a surtout fleuri en Pologne, en Transylvanie et dans les territoires de la Baltique. Il se distingue des mouvements précédents par une critique intellectuelle extrêmement poussée de la christologie traditionnelle.

Les formes d'organisation de ces quatre courants de la réforme radicale présentent une certaine variété. Chez Münzer, chez Hofmann et dans le royaume de Münster, l'accent est mis sur le rassemblement des élus en vue de la parousie. Le Bund, ou ligue, caractérise l'activité de Münzer. Selon une version non révolutionnaire, c'est aussi le cas chez Hofmann. Mais, à Münster, la ligue s'enferme dans les murs d'une cité et donne naissance à un communisme de vie annonciateur du millénium. Les anabaptistes pacifistes et les antitrinitariens manifestent plus d'attention au groupement des convertis, et à leur vie hic et nunc, qu'à l'instauration du royaume à venir. Leurs assemblées locales pratiquent l'entraide, mais non la communauté de vie à proprement parler. Pourtant, les adeptes d'une branche de l'anabaptisme pacifiste, les houttériens, vivent en fraternités d'habitation, de production et de consommation.

Ces formes diverses traduisent toutes une même conception confessante de l'Église. Celle-ci est non une institution mais un événement, non une structure porteuse de grâce mais un rassemblement volontaire de convertis. Ainsi s'explique la pratique exclusive du baptême des adultes (sauf dans le cas de Münzer, à ce qu'il semble). La pureté de l'assemblée locale est ainsi garantie au départ. L'excommunication et la discipline exercées en son sein permettent sa conservation et le contrôle de la vie des membres. Tous ceux-ci participent également à la direction de l'assemblée et à l'expression de sa foi. Les radicaux repoussent le sacerdotalisme et ont des ministres élus. Ils retiennent le baptême et la Cène comme « ordonnances » instituées par Jésus-Christ. Ils professent une conception plus symbolique que réaliste de leur action.

La non-mondanité, ou refus de certaines activités, normes ou valeurs de la société globale, constitue la conséquence directe du caractère confessant de l'Église des radicaux. Elle s'exprime diversement selon les groupes et selon qu'ils sont révolutionnaires ou non. Dans ce dernier cas, elle[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres et sciences humaines, maître de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École des hautes études en sciences sociales

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Pour citer cet article

Jean SÉGUY. RÉFORME RADICALE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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