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PREUVE PALÉOMAGNÉTIQUE POUR LA DÉRIVE DES CONTINENTS (S. K. Runcorn)

Au milieu du xxe siècle, en sciences de la Terre, alors que fixistes et mobilistes s'opposent, une découverte majeure va faire évoluer le débat : l'aimantation naturelle rémanente (A.N.R.) de certaines roches, ou aimantation fossile permanente. Le principe en est simple : certaines roches gardent en mémoire les caractéristiques (direction et latitude) du champ magnétique terrestre qui régnait à l'époque de leur formation. Si l'on connaît l'âge des roches qui présentent une A.N.R., il devient possible d'établir l'histoire des variations du champ magnétique terrestre.

Deux équipes anglaises s'attellent à la tâche de l'histoire des changements du champ magnétique terrestre : d'une part, celle de l'université de Cambridge, dont fait partie Stanley Keith Runcorn (1922-1995), et, d'autre part, celle de l'Imperial College de Londres. L'équipe de Cambridge procède à la première étude paléomagnétique, en Angleterre, sur des roches remontant au Trias. Elle constate que l'orientation du champ magnétique de ces roches sédimentaires ne coïncide pas avec celle du champ mesuré aujourd'hui. Les chercheurs de l'Imperial College décident alors de vérifier sur d'autres continents l'existence de ce qu'on appelle alors une « dérive du pôle Nord » : en Afrique du Sud, en Australie, au Canada et, plus particulièrement, en Inde, avec les immenses trapps (énormes empilements de coulées de lave sur des surfaces de plusieurs milliers de km2) du Deccan. Même constatation, par rapport à l'Inde, si on considère le pôle magnétique comme fixe (hypothèse qui n'est alors que chuchotée), l'Inde aurait effectué un mouvement lent vers le nord-est entre le Jurassique et la fin du Tertiaire.

Runcorn propose ainsi de définir les positions du paléopôle magnétique pour diverses époques géologiques et dans différentes régions. Les années 1940 et 1950 verront s'effectuer une série de mesures et de synthèses.

Avec son équipe, Runcorn établit au milieu des années 1950 que « le pôle Nord se trouvait au milieu du Pacifique, vers Hawaii, puis qu'il a migré vers l'ouest pour atteindre le continent asiatique, au sud du Japon, vers la fin de l'ère primaire et qu'il a alors remonté à travers la Sibérie [...] », vers sa position actuelle. Ce cheminement du pôle Nord, fondé sur l'étude de roches volcaniques en Europe du Nord, fait l'objet d'une première publication de Runcorn en 1955. Il synthétisera l'ensemble de ses travaux dans sa publication majeure de 1962 (Paleomagnetic evidence for continental drift and its geophysal cause, Academic Press, New York). En fait, deux explications sont envisageables : le déplacement du pôle ou bien celui des roches. Des mesures similaires effectuées en Amérique du Nord, à la même époque et pour la même période, vont lever l'incertitude. Le pôle Nord semble y suivre également un déplacement régulier au cours du temps, mais selon un cheminement autre que celui observé en Europe. Le pôle Nord ne pouvant occuper en même temps deux positions différentes, on en conclut que ce sont les deux continents qui se sont déplacés différemment. Faire coïncider les deux trajectoires des dérives apparentes des pôles sur les deux continents revient à rapprocher ces derniers et donc... à refermer l'Atlantique.

C'est le début de la confirmation et de la validation de l'hypothèse de la dérive des continents émise par Wegener en 1912.

— Yves GAUTIER

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Écrit par

  • : docteur en sciences de la Terre, concepteur de la collection La Science au présent à la demande et sous la direction d'Encyclopædia Universalis, rédacteur en chef de 1997 à 2015

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Yves GAUTIER. PREUVE PALÉOMAGNÉTIQUE POUR LA DÉRIVE DES CONTINENTS (S. K. Runcorn) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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