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PIERRE & GILLES

Pierre Commoy (1950) et Gilles Blanchard (1954) ont débuté leur collaboration artistique sous le nom de Pierre & Gilles en 1976. Remarqués par les professionnels de la mode et le monde du spectacle, les portraits photographiques atypiques réalisés par ce duo marquent profondément les années 1980 et influencent l'esthétique de la communauté gay. Leur processus de fabrication s'est transformé en rituel immuable, intact depuis la première série Grimaces (1977). Qu'il s'agisse d'autoportraits ou de portraits, les mises en scène sont savamment dessinées suivant une scénarisation de l'image à la précision quasi maniaque. Viennent la construction du décor et la réalisation de costumes, la pose réalisée par Pierre et la retouche, exclusivement picturale, réalisée par Gilles. Le processus s'achève avec la réalisation d'un cadre spécifique, en rapport avec le thème de l'image. Depuis cette période où la retouche assistée par ordinateur n'existait pas, leur technique n'a subi aucune évolution, attachée qu'elle est à sa qualité artisanale : « C'est plus intéressant pour nous de travailler de cette façon, l'image est plus vivante, plus profonde du fait de ce procédé artisanal et organique. » À la manière des ateliers de portraits photographiques du xixe siècle empreints d'un certain décorum et d'un goût pour la cérémonie, l'activité photo-picturale du duo Pierre & Gilles entretient ce charme suranné. Toutes les pièces sont de surcroît uniques et marquées par le style du couple, profondément kitsch, outrageusement reconnaissable. « Pierre & Gilles » est devenu une marque autant qu'un style, jouant de la surcharge et du cliché. Couleurs trop vives, contours lissés, décors trop chargés, rôles surjoués : avec eux, une sainte est presque toujours une « vamp », une star du show-biz se transforme en voyou. Reprenant à leur compte une longue tradition du portrait travesti, déguisé à la manière d'un Rembrandt se représentant en cheikh turc, Pierre & Gilles se sont notamment portraiturés en présidents utilisant les codes de portraits officiels à la soviétique (Le Petit Communiste, 1990). Le magnat François Pinault a revêtu les habits d'un capitaine Némo de pacotille, tandis que l'actrice Arielle Dombasle jouait avec affectation le personnage de sainte Blandine, atrocement martyrisée. L'esthétique de Pierre & Gilles est nourrie de culture populaire et de religion. « Nous avons le goût du mystique. Il est très difficile de séparer l'art et la religion. » Images pieuses, vignettes d'Épinal, décors d'opérette, l'outrance n'est jamais loin de la subversion, mêlant la mythologie à la religion, le politique à une sexualité revendiquant son homosexualité. « On aime idéaliser mais on parle aussi de la mort, du mystère et de l'étrangeté de la vie. Il y a autant de douceur que de violence dans nos images. » Leurs portraits très « arrangés » évoquent souvent une boule de souvenirs remplie de neige artificielle. Le duo est toujours actif dans les années 2000, même si sa production photographique est désormais auréolée d'une touche nostalgique, les deux compères incarnant, sur le plan esthétique, les années 1980 et la reconnaissance de la communauté gay. Ils sont rarement sortis de l'image fixe, réalisant de rares vidéo-clips, privilégiant leur travail de studio, plébiscité par le cinéma, la publicité, la mode et le monde de la musique pour laquelle ils réalisèrent de nombreuses pochettes de disque. Leur activité photographique a permis de questionner les notions de bon et de mauvais goût, de réactiver des réflexions éternelles sur la hiérarchie des genres et des valeurs culturelles à travers des séries comme Garçons de Paris (1983), Pleureuses (1986) ou Plaisirs de la forêt[...]

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Écrit par

  • : critique d'art, historienne de l'art spécialisée en art écologique américain

Classification

Pour citer cet article

Bénédicte RAMADE. PIERRE & GILLES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple

    • Écrit par Hervé LE GOFF, Jean-Claude LEMAGNY
    • 10 750 mots
    • 21 médias
    ...charme hétérosexuelles, de nombreux artistes ont concouru à cette reconnaissance, à la suite des autoportraits travestis de Pierre Molinier. Le couple Pierre et Gilles élabore quant à lui, depuis 1976, une œuvre abondante, à caractère souvent anecdotique et allégorique, dans laquelle les photographies...

Voir aussi