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STAËL NICOLAS DE (1914-1955)

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Une abstraction singulière

À Nice, où il a trouvé refuge pendant la guerre, Nicolas de Staël fréquente la communauté artistique constituée notamment de Sonia Delaunay, Sophie Tauber, Jean Arp et Alberto Magnelli. L'abstraction à laquelle il s'initie est donc celle qui s'est développée dans l'entre-deux-guerres, une abstraction souvent géométrique et selon laquelle l'œuvre se construit hors de toute référence au monde réel. Très marquée, au départ, par le travail aux formes aiguës de Magnelli, la peinture de Staël évolue rapidement, notamment au contact d'André Lanskoy, autre exilé russe qu'il fréquente à Paris à partir de 1944. Les figures se complexifient, deviennent plus denses et la pâte plus épaisse.

À une période où le gouvernement de Vichy soumet toute création artistique à son contrôle, la conquête de l'abstraction est aussi celle de la liberté. Un autre groupe de jeunes artistes, dans lequel se retrouvent Jean Bazaine, Alfred Manessier, Gustave Singier et Jean Le Moal, poursuit le même combat. Staël, à leur différence, ne fait pas appel à la grille de tradition cubiste pour structurer ses compositions, mais la met d'emblée à mal : dès 1946, ses peintures, comme Casse-Lumière (1946, coll. part.), sont composées à l'aide de bâtonnets qui s'accumulent, se repoussent, se coupent entre eux tel un échafaudage effondré. Staël refuse cependant que son travail soit catalogué comme abstrait. Il est plus juste, selon la terminologie de l'époque, de parler de non-figuration, c'est-à-dire d'une peinture qui n'utilise pas de figures identifiables mais se nourrit en permanence du monde extérieur.

À ce titre, il est intéressant de suivre l'évolution formelle du travail de Staël, jusqu'à la réintroduction progressive d'éléments du réel. Aux bâtonnets réalisés à la brosse dans la première période, succède, dès 1949, une série d'œuvres où les grilles chaotiques laissent place à des aplats plus larges en forme d'éclats et aux couleurs chatoyantes, tels des vitraux (ainsi dans une toile comme Rue Gauguet [1949, Museum of Fine Arts, Boston]). Dès 1950, les éclats deviennent de larges pavés, avec notamment la très grande Composition (coll. part.) : la peinture, plus statique, appliquée à la truelle, se fait alors mur, pavement, composition très architecturée.

Très tenue, en quête de stabilité et d'harmonie, même dans les compositions d'apparence chaotique, l'abstraction de Nicolas de Staël diffère de la liberté gestuelle comme de l'affranchissement du cadre qu'on rencontre au même moment aux États-Unis.

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Écrit par

  • : normalienne, auteur d'une thèse de doctorat sur le matiérisme dans l'art de l'après-guerre à Paris, critique d'art indépendant

Classification

Pour citer cet article

Anne MALHERBE. STAËL NICOLAS DE (1914-1955) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 25/03/2009

Autres références

  • NICOLAS DE STAËL (exposition)

    • Écrit par
    • 1 018 mots

    On le connaît bien, ce portrait photographique du peintre français Nicolas de Staël réalisé par Denise Colomb en 1954 dans son atelier de la rue Gauguet à Paris. L’artiste y apparaît légèrement dégingandé, le corps désarticulé, svelte, sobrement vêtu de sombre, le visage aquilin et le regard un...