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MANESSIER ALFRED (1911-1993)

Le peintre Alfred Manessier est mort le 1er août 1993 des suites d'un accident d'automobile, au terme d'une année où le renouveau de son audience nationale et internationale s'était traduit par une grande rétrospective de son œuvre dans les galeries nationales du Grand Palais à Paris, présentée ensuite à Rome et à Budapest, une autre étant consacrée à ses vitraux, une troisième à ses tapisseries. Enfin, le grand ensemble de vitraux qu'il avait réalisé dans l'église du Saint-Sépulcre d'Abbeville avait été inauguré la même année.

Alfred Manessier est né le 5 décembre 1911 à Saint-Ouen près d'Abbeville. Dès l'adolescence, il se tourne vers la peinture, réalisant nombre de marines de la baie de Somme. En 1929, il est admis en architecture à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. De fait, il devient peintre, copiant les maîtres au Louvre et fréquentant les académies de Montparnasse, en particulier l'académie Ranson où il passera un trimestre dans la classe de fresque de Bissière, avec les peintres Jean Le Moal, Jean-Marie Bertholle et le sculpteur Étienne-Martin. Il expose dès 1933 aux Indépendants, puis à la galerie Matières de René Breteau (avec, entre autres, Marcel Duchamp). Sa peinture s'inspire directement du surréalisme (il est voisin de palier de Masson), de Miró et de Picasso. Il réalise à cette époque une étonnante série de dessins. Réfugié à la campagne durant la guerre, il participe, en 1941, avec Bazaine, Estève, Singier, à la célèbre exposition Vingt Jeunes Peintres de tradition française à la galerie Braun, où il montre trois toiles surréalistes, déjà exposées en 1938, sans référence à une quelconque tradition, qu'elle soit ou non française ; mais l'étiquette de « tradition française » restera longtemps appliquée à son œuvre par une critique qui ne s'était jamais souciée des toiles qu'il avait présentées, en pied de nez à l'occupant, sous ce titre provocateur.

À la suite de sa conversion soudaine au christianisme, dont il n'avait jamais été proche, en 1943, sa peinture évolue radicalement vers une abstraction qui refuse la figuration illusionniste mais non la représentation : représentation non figurative, ou transfigurative, qui, si elle refuse l'image, ne cesse pas de vouloir rendre compte du monde extérieur mais aussi intérieur. Pour Manessier, dès cette date, le peintre doit donner sur sa toile un « équivalent plastique » de ce qu'il voit ou perçoit : lumière d'un paysage, drame de la Passion, espoir et désespoir du temps où il se tient. Au sortir de la guerre et jusqu'au début des années 1960, il est une des figures les plus en vue de la nouvelle peinture française et européenne, collectionnant les distinctions internationales (premier prix de la biennale de Saõ Paulo en 1952, grand prix Carnegie en 1954, grand prix de la biennale de Venise en 1962 – comme Matisse, Léger et Picasso). Créateur de la « peinture sacrée » abstraite, il est considéré comme le successeur de Rouault. En 1947, il avait été le premier à poser des vitraux abstraits dans une église (aux Bréseux, dans le Doubs), au grand scandale de la hiérarchie ecclésiastique qui en avait demandé, sans l'obtenir, la dépose.

Son œuvre se développe en deux thèmes. Les paysages d'abord, où il explore systématiquement la question de la lumière en même temps que la problématique liée à la surface de la toile (planéité, opticalité, all-over) ; l'inspiration « religieuse » ensuite, concentrée sur les thèmes de la Passion et de Pâques, souvent abordée par l'intermédiaire de la musique, comme dans Salve Regina (1945, musée de Nantes) ou dans la Passion selon saint Matthieu (1948) et la grande toile La Sixième Heure (1957-1958, Musée national d'art moderne, Paris) qui[...]

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Écrit par

  • : professeur des Universités, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, Paris

Classification

Pour citer cet article

Pierre ENCREVÉ. MANESSIER ALFRED (1911-1993) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PARIS ÉCOLES DE

    • Écrit par Claire MAINGON
    • 2 622 mots
    • 1 média
    ...véritablement revendiqué et popularisé à cette époque les tendances non figuratives. Ainsi, on privilégiera des peintres comme Jean Bazaine (1904-2001), Alfred Manessier (1911-1993), Roger Bissière (1886-1964), Jean Le Moal (1909-2007), Édouard Pignon (1905-1993) ou Maurice Estève (1904-2001). Ces...

Voir aussi