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HIKMET NAZIM (1902-1963)

Le poète turc Nazim Hikmet, profondément attaché à sa langue, à sa terre, aux siens, fut aussi le chantre du Tiers Monde :

Je viens de l'Orient ! Je viens en hurlant la révolte de l'Orient !

En 1922, il salue avec le même enthousiasme la révolution d'Octobre et les prémisses des révolutions en Asie et en Europe. Pour lui, point de contradiction entre le national et l'international, l'individuel et le collectif ; s'il parle au singulier, c'est toujours au nom des multitudes.

Son travail principal a porté sur le mot, le rythme, la construction du poème, avec la volonté d'adhérer aussi étroitement que possible à l'action. Dans sa conception de la poésie, le verbe est action, l'action aboutit au verbe, sans coupure. C'est au centre de cette incessante spirale que se situe la création du poète combattant.

Une carrière de militant

Né à Salonique, Nazim Hikmet, fils et petit-fils de hauts fonctionnaires ottomans, grandit au sein d'une famille haute en couleur dominée par la figure de Nazim pacha qui initia son petit-fils à la poésie orientale classique. La culture du jeune Nazim ne pouvait que se développer auprès de sa mère, Djélilé hanim, férue de poésie et de peinture française.

Trois événements dramatiques ont décidé très tôt de son sort : l'occupation d'Istanbul par les grandes puissances en 1919, la lutte des paysans turcs pour l'indépendance nationale de 1919 à 1923, la révolution d'Octobre dont il suivra les premiers pas en 1922 à Moscou.

À la fin de la Première Guerre mondiale, Istanbul occupée grouillait d'intrigues politiques locales et étrangères. Une poignée d'hommes seulement concevaient une patrie libérée des ingérences étrangères. Sous la direction de Mustafa Kemal, l'oncle de Nazim Hikmet, le futur général Djébésoy, fut un des premiers à prendre l'initiative de la résistance organisée en Anatolie. Le jeune poète rejoignit le camp de la résistance et c'est durant la longue marche qui le mena d'Istanbul à Ankara qu'il découvrit une réalité bouleversante dont les images imprégneront désormais sa poésie :

 Les hommes avaient sur la tête le kalpak

dans l'âme la tristesse

dans l'âme un espoir formidable.

À partir d'Istanbul, où le premier Parti socialiste turc fondé en 1912 avait propagé les principes du socialisme jauressien, et plus tard avec le retour d'Allemagne des jeunes intellectuels influencés par le spartakisme, les idées de gauche pénétrèrent en Anatolie, stimulées par la révolution bolchevique.

Après un court séjour à Ankara et de vaines tentatives pour se joindre à l'armée, Nazim Hikmet fut nommé instituteur dans une bourgade, puis, voulant s'initier au marxisme, le poète se mit en route clandestinement pour Moscou où il s'inscrivit à l'université des travailleurs de l'Orient. À Moscou, la poésie, le cinéma, le théâtre révolutionnaire sont en plein essor. Nazim Hikmet s'intègre rapidement à l'avant-garde artistique. Il rencontre Maïakovski, les futuristes, les constructivistes, double source d'inspiration pour lui. Il participe au spectacle total de l'art débordant sur la rue. Les poèmes qu'il écrit durant cette période s'inspirent des thèmes de l'industrialisation, de l'électrification :

    Trac, tiki tac

   je veux me mécaniser

   en vrac !

En Turquie, la gauche avait une présence semi-légale. De retour à Istanbul, l'écrivain participe à la publication du journal Aydinlik (Lumière) ; avec d'autres militants, il lutte contre les forces d'un nouvel État qui vise avant tout l'affirmation nationale de la bourgeoisie turque en formation. Ses poèmes font sensation, mais, sur le plan politique, la situation du poète reste extrêmement périlleuse. Menacé, il parvient à quitter secrètement[...]

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Écrit par

  • : chargée d'enseignement honoraire à l'Institut des langues et civilisations orientales, université de Paris-III

Classification

Pour citer cet article

Guzine DINO. HIKMET NAZIM (1902-1963) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • TURQUIE

    • Écrit par Michel BOZDÉMIR, Universalis, Ali KAZANCIGIL, Robert MANTRAN, Élise MASSICARD, Jean-François PÉROUSE
    • 37 012 mots
    • 22 médias
    Nazim Hikmet (1901-1963) est incontestablement la figure de proue de la poésie turque contemporaine. Son double engagement, qui durera toute sa vie, le place très jeune en première ligne de la modernité tant politique que poétique ; sur les deux fronts, c'est un précurseur avec des positions radicales...

Voir aussi