Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

NATSUME SŌSEKI (1867-1916)

Le seuil du bonheur

Un ulcère à l'estomac le contraint à entrer en clinique en juin 1910. Parti se reposer en montagne, il est surpris par une crise si grave qu'il paraît condamné. La convalescence dure jusqu'au printemps suivant. Elle n'était pas terminée lorsqu'il relata les semaines de l'épreuve dans Omohidasu kotonado (Réminiscences). Ces souvenirs s'inscrivent dans le genre, fort ancien, de zuihitsu, « l'essai composé au fil du pinceau ». Sōseki y introduisit de nombreux haiku et poèmes chinois, formes qu'il avaient aimées dans son adolescence, puis oubliées et dont le goût lui revint alors. Non point, comme on l'a répété, qu'il eût opéré une conversion totale, rejetant l'Occident pour la tradition ancienne. Sa première lecture sera un ouvrage de William James dont il apprend la mort et qui lui révèle les travaux de Bergson. Mais dans ces lignes bat une cadence régulière comme le mouvement de l'eau, le sentiment inexplicable de la paix retrouvée. Il donne son prix à ce texte où s'entremêlent la prose et la poésie.

Plus tard, l'écrivain fut en butte à de nombreuses difficultés de santé. Il fut menacé par un état de dépression qu'il avait déjà connu. Plusieurs de ses romans semblèrent désespérés : Kōjin (1912-1913, L'Homme qui va), Kokoro (1914, Le Cœur), Michikusa (1915, Détours).

Sa description se faisait impitoyable. Sous des apparences anodines, il découvrait l'enfer dans lequel peuvent s'engager les humains. Pourtant, il garde toujours une sorte de distance. La fonction du roman, de l'ouvrage de fiction, serait de révéler au lecteur la réalité, d'éclairer, de guérir. Cette lumière se perçoit dans Michikusa, qui est par moments d'une dureté insoutenable. Elle baignait déjà Higansugi-made (1912, Après les trépassés) qui marqua le retour de l'auteur à la création romanesque au lendemain de la maladie de Shuzenji. Elle se retrouve dans Garasudo no naka (Derrière les baies de verre), une suite d'essais dont le ton, grave et enjoué, rappelle celui de Omohidasu kotonado, et dans Mei an (Le Jour et l'Ombre), un roman d'une ampleur inaccoutumée dont la publication avait débuté en mai 1916. Sōseki mourut le 9 décembre. Le feuilleton parut jusqu'au 14 décembre. L'œuvre demeura inachevée.

— Jean-Jacques ORIGAS

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'Institut national des langues et civilisations orientales de l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Jean-Jacques ORIGAS. NATSUME SŌSEKI (1867-1916) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Voir aussi