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BOURGEOIS LOUISE (1911-2010)

Le corps-sculpture

La fin des années 1970 marque la reconnaissance de Louise Bourgeois au sein du milieu artistique américain, marquée par la grande rétrospective que lui consacre le Museum of Modern Art en 1982. En France, c'est la galerie Lelong, à Paris, qui sera la première, en 1985, a montrer un ensemble conséquent de ses œuvres. En 1992, lors de la Dokumenta de Cassel, Louise Bourgeois présente Precious Liquids (Musée national d'art moderne, Centre Georges-Pompidou, Paris) une installation monumentale emblématique qui domine la série de pièces intitulées Cells dont l'artiste dit qu'elles correspondent à « différents types de douleur : physique, émotionnelle et psychologique, mentale et intellectuelle ». Precious Liquids est un espace clos que l'on peut traverser. À l'intérieur se trouvent un lit de fer avec une petite mare d'eau, une multitude d'objets en verre, un manteau d'homme, référence au père, et une petite robe brodée avec les mots « Merci/mercy ». Il s'agit d'une œuvre chargée d'émotion qui se lit comme un lieu de recueillement ou d'enfermement, à moins qu'on ne se trouve encore en présence d'un lieu d'exorcisme, « cette nécessité vitale » qui est au cœur de toute la production de Louise Bourgeois. Travailleuse infatigable, celle-ci ne cesse d'expérimenter formes et matériaux pour répondre aux sollicitations dont elle est l'objet. Ainsi, en 2002, le palais de Tōkyō à Paris accueille deux sculptures monumentales en granit noir, Eye-Benches II. D'un côté une banquette, de l'autre des yeux noirs comme du jais qui scrutent le visiteur et le monde environnant. La même année, pour la Dokumenta de Cassel, ce sont des sculptures en tissu cousu à la main, disposées dans des cages, mêlant au plus près attraction et répulsion (Cell XI, 2000, musée d'Art moderne Samsung, Séoul, Corée du Sud).

Dans les toutes dernières années de sa vie, Louise Bourgeois revient sur les souvenirs liés à sa jeunesse française avec une série d’œuvres intitulées Moi, Eugénie Grandet, présentées, selon son désir, à la Maison de Balzac à Paris en novembre 2010. Ce portrait imaginaire de l’héroïne de Balzac peut également se lire comme l’autoportrait de l’artiste : les broderies, qui font référence à l’époque où elle aidait ses parents à restaurer les tapisseries, réactivent une dernière fois le conflit douloureux qui l’a opposé à son père et qui a marqué une grande partie de son œuvre.

En 1996, pour la ville de Choisy-le-Roi, où Louise Bourgeois a vécu enfant, l'artiste a suspendu, aux branches d'un tilleul centenaire, Les Bienvenus – deux éléments, l'un mâle, l'autre femelle, inspirés des nids bâtis par certaines espèces d'oiseaux. Le titre se veut un mot d'accueil pour les couples qui vont s'unir à la mairie, mais il s'agit aussi d'une œuvre « aux implications politiques », la formule s'adressant aux émigrés de tout bord qui passeront en ce lieu. Enfin, dans cette ville chargée de souvenirs, l'artiste revient au fantasme d'une maison qui serait le prolongement naturel du corps et vivrait au rythme de ses pulsions. « Pour moi, la sculpture est le corps, n'a cessé de dire Louise Bourgeois, mon corps est ma sculpture. »

— Maïten BOUISSET

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Maïten BOUISSET. BOURGEOIS LOUISE (1911-2010) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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