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LANTERNE LA, journal

Henri Rochefort, chassé du Figaro, put créer La Lanterne le 31 mai 1868, grâce à la loi du 11 mai 1868 qui venait de supprimer l'autorisation préalable, nécessaire à l'époque à toute création d'un nouveau journal, et grâce à la commandite de Villemessant et de Dumont, les animateurs du Figaro. La Lanterne était un pamphlet hebdomadaire, de petit format (10 Œ 12 cm), de soixante-deux pages, à couverture rouge illustrée d'une lanterne destinée à « éclairer les honnêtes gens et à pendre les malfaiteurs ». Libre commentaire caustique de l'actualité, écrit tout entier par le seul Rochefort avec beaucoup de verve et de hargne, cette petite brochure, malgré son prix élevé de quarante centimes, eut un succès immédiat et inattendu : son troisième numéro tirait déjà à 125 000 exemplaires et son succès se maintint. Sa première phrase est restée célèbre : « La France compte, dit L'Almanach impérial, trente six millions de sujets, sans compter les sujets de mécontentement », mais beaucoup d'autres formules mériteraient d'être citées qui, dans leur forme piquante, ravirent les Français, lassés d'un régime et d'un personnel politique vieillis. Ce « mémorial des malpropretés de l'Empire » marquait le début de cette « révolution du mépris » qui allait emporter Napoléon III quelques mois plus tard.

Surprises, les autorités espérèrent que, la première curiosité passée, La Lanterne se transformerait en lumignon. Il n'en fut rien ; sa violence croissait de semaine en semaine et il fallut sévir : le onzième numéro fut saisi. Rochefort, poursuivi, se rendit à Bruxelles pour échapper à une condamnation d'un an de prison et 10 000 francs d'amende, prononcée le 13 août 1868. Depuis la Belgique, Rochefort poursuivit la publication de La Lanterne, qui eut au total soixante-quatorze numéros jusqu'en novembre 1869, date du retour de son auteur en France et du lancement de La Marseillaise quotidienne. Ces Lanterne belges, tirées sur papier bulle, étaient introduites et diffusées clandestinement en France, certaines, dit-on, dans des bustes en plâtre de Napoléon III.

Dans sa courte carrière, La Lanterne eut une influence notable sur le changement d'atmosphère qui caractérise la fin du second Empire ; sans vouloir exagérer son influence, il est certain que son ironie mordante contribua à réveiller l'opinion publique et redonna aux opposants une plus grande confiance dans leurs chances de se faire écouter.

De 1874 à 1876, Rochefort, de nouveau en exil, fit paraître une nouvelle Lanterne sans véritable succès. Le titre fut repris en 1877 par un quotidien qui vécut jusqu'à l'entre-deux-guerres.

— Pierre ALBERT

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Écrit par

  • : professeur émérite de l'université Panthéon-Assas

Classification

Pour citer cet article

Pierre ALBERT. LANTERNE LA, journal [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • EMPIRE SECOND (1852-1870)

    • Écrit par Stella ROLLET
    • 12 843 mots
    • 9 médias
    ...comme en province. Ainsi, parmi les 140 nouveaux journaux créés en un an dans la capitale, la presse d’extrême gauche est bien représentée, notamment par La Lanterne, journal satirique d’Henri Rochefort qui n’a de cesse de dénoncer l’Empire et dont la toute première phrase est restée célèbre : « La France...
  • ROCHEFORT HENRI DE (1831-1913)

    • Écrit par Pierre ALBERT
    • 822 mots

    Le marquis Henri de Rochefort-Luçay était le descendant d'une vieille famille noble, ruinée par la Révolution. Son père Claude Louis (1790-1871) avait mené la vie besogneuse de journaliste royaliste et de vaudevilliste. Élevé dans un foyer désuni, Rochefort eut une jeunesse difficile qui lui donna...

Voir aussi