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RIBERA JUSEPE DE (1591-1652)

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Du ténébrisme à la peinture claire

À la période ténébriste appartiennent, en dehors des tableaux d'Osuna, un Saint Jérôme et un Saint Sébastien (1628, musée de l'Ermitage) avec lesquels il suscite les séries, qui sont parfois l'œuvre de disciples ou d'imitateurs, de saints anachorètes à la peau rugueuse minés par la pénitence. À cette même époque appartient la série des philosophes, comme l'Archimède (musée du Prado), dont les modèles sont les « lazzaroni » napolitains, tannés par le soleil, édentés et en haillons. Cette série témoigne d'une prise de position, vis-à-vis de l'Antiquité, semblable à celle que l'on note dans son tableau mythologique Silène ivre (1626, musée de Naples) où la fable antique est traitée d'une façon absolument opposée à l'idéalisme de la Renaissance. Dans sa galerie de vagabonds et de misérables qui représente des sages de l'Antiquité, il y a comme un relent d'amertume, propre à certains cercles d'intellectuels de l'époque, chez lesquels le cynisme et le stoïcisme se mêlent dans un monde parallèle à celui du roman picaresque. Même si ces modèles perdent leur personnalité sarcastique lorsqu'ils représentent un saint, il ne faut pas confondre la valeur particulière de chaque genre et l'utilisation différente d'un même réalisme.

<it>Le Martyre de saint Philippe</it>, J. de Ribera - crédits :  Bridgeman Images

Le Martyre de saint Philippe, J. de Ribera

Le Martyre de saint Philippe (1639, musée du Prado) date de la fin de cette période. Ribera, au lieu de donner une image sanguinolente et atroce du martyre, a jugé préférable de choisir le moment où l'effort des bourreaux pour hisser le corps du saint permet une composition en diagonale d'un grand dynamisme. La sérénité du ciel lumineux et la tranquillité de certaines figures, comme celle de la mère et de son fils, en bas à gauche, servent de contrepoint à l'impression dramatique que produit cette scène qui se déroule en plein air sous le soleil de midi, et dont le coloris brillant exalte davantage le martyre.

<it>L'Immaculée Conception</it>, J. de Ribera - crédits :  Bridgeman Images

L'Immaculée Conception, J. de Ribera

À partir de 1635, la couleur des peintures de Ribera devient plus claire et l'atmosphère plus transparente. Ses touches sont de plus en plus fluides et les lignes plus sinueuses, les plis gagnent en souplesse et les lointains s'amplifient. Dans sa grande Immaculée Conceptiondes Augustinas Recoletas, fondation du comte de Monterrey, à Salamanque, les teintes claires de l'ensemble du tableau aboutissent à une apothéose de la lumière. Dans Le Songe de Jacob (1639, musée du Prado), Ribera donne l'image de l'homme vaincu par le sommeil et le représente en pleine lumière du jour, ce qui étonne chez un peintre ténébriste. Mais cette apparente tranquillité cache une agitation interne. La tête de l'homme traduit l'épuisement, dans une vibration comparable à la vibration lumineuse de l'échelle des anges. De la même époque date le célèbre Pied-Bot (musée du Louvre) qui, en plein air, dans une atmosphère argentée, regarde avec ironie le spectateur et lui fait pitié. L'horizon placé en bas du tableau accentue le caractère monumental de cet enfant difforme, proche des bouffons de Vélasquez et des personnages déshérités des romans picaresques espagnols de l'époque.

Un tableau analogue par son vérisme, qui ne recule pas devant la laideur monstrueuse, est celui de La Femme à barbe des Abruzzes (musée de la fondation Lerma à Tolède). Commande du vice-roi, ce tableau d'une couleur extraordinaire correspond au goût du bizarre, en vogue depuis le maniérisme, et que l'on retrouvera avec le surréalisme. Ce portrait de femme procède de la même intention qui poussa Ribera à réaliser, comme Léonard de Vinci, des études de têtes et de traits humains aux déformations grotesques, qui serviront plus tard d'exercices aux débutants.

La Communion des Apôtres (1651), réalisé pour la chartreuse de San Martino à Naples, où Ribera[...]

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Pour citer cet article

Antonio BONET-CORREA. RIBERA JUSEPE DE (1591-1652) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 07/04/2009

Médias

<it>La Déposition du Christ</it>, J. de Ribera - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

La Déposition du Christ, J. de Ribera

<it>Le Martyre de saint Philippe</it>, J. de Ribera - crédits :  Bridgeman Images

Le Martyre de saint Philippe, J. de Ribera

<it>L'Immaculée Conception</it>, J. de Ribera - crédits :  Bridgeman Images

L'Immaculée Conception, J. de Ribera

Autres références

  • CARAVAGE (vers 1571-1610)

    • Écrit par et
    • 4 798 mots
    • 7 médias
    ...artistes du Nord travaillant alors à Rome : Seghers, Tournier, Valentin de Boulogne... La diversité des réactions est la même chez les Napolitains. Ribera découvre le caravagisme à Rome et marque au xviie siècle la peinture napolitaine (Rosa) comme la peinture espagnole. Stanzione, sensible et retenu,...