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FIÉVÉE JOSEPH (1767-1839)

Une éminence grise politique doublée d'un écrivain méconnu mais important, tel apparaît Joseph Fiévée, célèbre pour son roman La Dot de Suzette et pour sa Correspondance avec Napoléon que lurent avec passion Sainte-Beuve et Mérimée. Ce personnage, qui a fasciné ses contemporains, a été parfaitement défini par l'un d'eux : « Nul de nos personnages politiques ne savait tant, ne disait moins et ne disait mieux. »

Parisien issu de la petite bourgeoisie, Fiévée accueille avec enthousiasme la Révolution de 1789. Il imprime la Chronique de Paris où écrivent Condorcet et Mirabeau et compose, en 1791, un opéra antireligieux, Les Rigueurs du cloître. Mais son zèle révolutionnaire se tempère assez vite. Accusé de fédéralisme, c'est-à-dire de sympathies pour la Gironde, il est incarcéré. Libéré en octobre 1793, il devient résolument modéré. Lors du 9-Thermidor, il préside la section du Théâtre-Français et prend parti contre Robespierre. Hostile par la suite aux thermidoriens, il doit se cacher après l'échec du coup d'État du 13 vendémiaire, puis à nouveau lors de celui de fructidor sous le Directoire. Il est désormais considéré comme un royaliste modéré. La publication en mai 1798, bien que sans nom d'auteur, de La Dot de Suzette, une peinture féroce des mœurs du Directoire, va le rendre rapidement célèbre. On le retrouve dans le Conseil royal secret de Louis XVIII. Mais à la suite d'une imprudence, il est arrêté par la police de Fouché et emprisonné au Temple. C'est sur la recommandation de Roederer, membre influent de l'entourage de Bonaparte, devenu Premier consul, qu'il est libéré. Il devient alors l'un des correspondants ou informateurs du nouveau chef de l'État. Il rédige à son intention des notes qu'il publiera en 1836 sous le titre de Correspondance et relations de J. Fiévée avec Bonaparte, Premier consul et Empereur, pendant onze années, 1801-1813. C'est cette œuvre qui lui a assuré une gloire posthume et qui lui permet de prendre place dans la lignée des Baltasar Gracián et Retz. Il est probable qu'il a remanié les écrits qu'il adressait à Napoléon lors de leur publication. Mais son art des formules n'en demeure pas moins saisissant : « Il y a des sots qui sont de toutes les opinions parce qu'ils ne comprennent les conséquences d'aucune. » D'autres suivront : « La politique, même dans les gouvernements représentatifs, est ce qu'on ne dit pas » ; ou encore « Quand le pouvoir est sans bornes, il est aussi sans appui » ; et enfin « Les hommes n'ont pas toujours besoin de raisonner leur conduite pour la conformer à leurs intérêts. »

Il s'en prend dans cette correspondance à l'anglomanie, à la démocratie, à l'esprit philosophique, au parti révolutionnaire et au capitalisme en plein essor. Il apparaît si réactionnaire qu'il sera réédité sous Vichy par Maximilien Vox comme champion « de l'ordre, de la famille et du travail ».

Très apprécié par Napoléon, Fiévée est nommé censeur du Journal de l'Empire, puis, en 1810, maître des requêtes au Conseil d'État. Stendhal, qui l'y rencontre, note : « air coquin du grand noir Fiévée ». En 1810, il remplit une mission à Hambourg ; trois ans plus tard, il devient préfet de la Nièvre et interrompt sa correspondance avec Napoléon.

Resté en fonction sous la première Restauration, il adresse en mai 1814 et janvier 1815 plusieurs notes à Louis XVIII sur le modèle des textes envoyés précédemment à Napoléon. On parlera « d'un manuel pratique de politique ultra ».

Les Cent-Jours le chassent de Nevers. Il obtient une pension de retraite en 1816 et partage son temps, dans la compagnie de son « ami » Théodore Leclercq, auteur de charmants « proverbes », entre des articles à la Quotidienne et[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

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Pour citer cet article

Jean TULARD. FIÉVÉE JOSEPH (1767-1839) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )