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SOLER JORDI (1963- )

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Bien qu’il soit né au Mexique (La Portuguesa, État de Veracruz, 1963), Jordi Soler porte un nom qui atteste ses origines. Il est en effet le petit-fils d’un combattant catalan qui, après la retraite de l’armée républicaine et la victoire de Franco en 1939, émigra dans ce pays. Là, il fonda, avec des compatriotes exilés comme lui, une véritable communauté qui vécut de l’exploitation d’une plantation de café, en nourrissant le double rêve d’organiser un complot visant à assassiner le dictateur espagnol et de rentrer au pays. Ces circonstances furent une source d’inspiration pour l’écrivain. Dans une suite de trois récits, il raconte de façon très romancée l’histoire de sa famille sur fond d’événements historiques. Ces trois livres, Rojos de Ultramar (2007, Les Exilés de la mémoire), La últimahoradelúltimodía (2008, La Dernière Heure du dernier jour) et La Fiesta deloso (2011, La Fête de l’ours), ne constituent pas une trilogie à proprement parler et peuvent se lire indépendamment les uns des autres. Ils sont une excellente illustration du talent avec lequel Jordi Soler mêle histoire et fiction, en particulier grâce à l’emploi de la première personne, et ce de façon tellement frappante qu’une grande partie de la critique a pu confondre à son propos auteur et narrateur et attribuer au premier des actes qu’il n’a évidemment pas commis. En revanche, la parution en français des Exilés de la mémoire aura un effet concret dans la réalité : la ville d’Argelès-sur-Mer, où se trouvait l’un des camps, tristement célèbres, où la France enferma en 1939 les réfugiés républicains de la guerre civile espagnole, a finalement, après en avoir laissé s’effacer toute trace, accompli un devoir de mémoire en en faisant état dans ses documents officiels.

Si ces trois romans, qui ont rencontré un succès certain, ont permis à Jordi Soler d’être connu en France, il n’en était cependant pas à son coup d’essai. Son premier ouvrage, Bocafloja(1994), est inspiré par la première activité de l’écrivain, qui, de 1986 à 1994, fut producteur d’émissions de radio et gérant de la station Rock 101, à Mexico, tout en assurant régulièrement des critiques musicales. L’année précédente, il avait publié son premier recueil de poésie – il est tout autant poète que romancier –, El corazón es un perro que se tira por la ventana, que suivirent trois autres romans. non traduits. Dans le même temps, il mène une activité de journaliste et tient des chroniques dans trois des grands journaux mexicains, avant d’en signer une, à partir de 2003, dans le quotidien espagnol El País. Son séjour à Dublin (2001-2003) comme attaché culturel près l’ambassade du Mexique lui inspire un roman à la fantaisie jubilatoire dont le thème est le séjour aventureux d’Antonin Artaud en Irlande. Toutefois, sa rédaction fut interrompue par celle de la « trilogie » qui répondait pour l’écrivain à une sorte d’urgence, après qu’il eut constaté que les jeunes générations espagnoles ignoraient à peu près tout de la guerre civile et de la dictature de Franco. Cela explique que la balade irlandaise qu’est Diles que son cadáveres (2013, Dis-leur qu’ils ne sont que cadavres) n’ait été publiée qu’en 2011 dans sa version originale. Ce livre sera suivi en 2013 d’un nouveau roman, Restos humanos, dénonciation de la corruption de certains cercles politiques catalans. Jordi Soler, qui vit depuis 2003 à Barcelone, est tenu pour l’un des écrivains majeurs de sa génération et pour un conteur hors pair, qui a su mêler dans son œuvre l’oralité de la littérature latino-américaine et la somptueuse musique des grands écrivains espagnols, comme Valle-Inclán, dont il se reconnaît volontiers l’héritier.

— Jean-Marie SAINT-LU

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Écrit par

  • : agrégé d'espagnol, maître de conférences honoraire à l'université de Toulouse-II-Le Mirail

Classification

Pour citer cet article

Jean-Marie SAINT-LU. SOLER JORDI (1963- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 03/02/2014

Autres références

  • AMÉRIQUE LATINE - Littérature hispano-américaine

    • Écrit par , , et
    • 16 947 mots
    • 7 médias
    ...mouvements individuels et la pesanteur d'autrui, comme dans Ema, la cautiva (1981, Ema, la captive) et dans Los fantasmas (1992, Les Fantômes). De son côté, Jordi Soler, poète, critique musical et romancier de double nationalité, mexicaine et espagnole, se sert de l’histoire de sa famille, émigrée au Mexique...