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VAUTRIN JEAN (1933-2015)

La carrière de Jean Vautrin n'est pas banale. Après s'être illustré d'une façon très honorable dans son premier métier de cinéaste, il décide à quarante ans de se tourner vers l'écriture, en jugeant avec sévérité ses films qu'il assimile à des productions ratées.

Jean Vautrin - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

Jean Vautrin

Jean Herman (son nom véritable), né à Pagny-sur-Moselle le 17 mai 1933, fait ses études secondaires à Auxerre et réussit le concours de l'I.D.H.E.C. en 1952. Il met à profit le poste de lecteur de littérature française au Wilson College de Bombay en travaillant pour le cinéma : il rédige notamment la version française de PatherPanchali de Satyajit Ray, et des articles pour les Cahiers du cinéma et Cinéma 56. Illustrated Weekly publie ses dessins humoristiques, tandis qu'il tourne deux documentaires. Entre 1956 et 1958, il assiste Roberto Rossellini sur le tournage d'India et pour la série télévisée J'ai fait un beau voyage. Quand il revient en France, il est assistant à la télévision, ainsi qu'auprès de Vincente Minelli (Les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse) et de Jacques Rivette (Paris nous appartient), tout en collaborant à des films américains comme Le Jour le plus long et en coréalisant avec Claude Choublier une version filmée des dessins antimilitaristes de Bosc (Voyage en Boscavie). Il se distingue par des courts-métrages qu'il réalise alors qu'il est incorporé au service cinématographique des armées, puis, jusqu'au milieu des années 1970, il réalise de nombreux films, téléfilms ou documentaires, assiste Jean Cayrol pour le tournage de Le Coup de grâce, signe un feuilleton, Les Peupliers de la prétentaine (1974), ainsi que des films comme Le Dimanche de la vie (d'après Raymond Queneau) ou encore Adieu l'ami (1967) et Jeff (1968), qui connurent un réel succès populaire. Signalons son travail de scénariste, d'adaptateur ou de dialoguiste – avec Michel Audiard par exemple – dans une vingtaine de films : Le Grand Escogriffe, 1976 ; Flic ou voyou, 1978 ; Garde à vue, 1981, etc.

En 1973 s'opère la grande rupture, avec la publication d'un premier roman publié dans la Série noire, À Bulletins rouges. Jean Vautrin – c'est désormais sous ce nom qu'il signe ses œuvres – lassé du cinéma de consommation, précise que la naissance d'un enfant autistique et sa retraite à la campagne lui ont donné la force d'écrire sa révolte contre la vie « moche pour certains » et l'ont « mis définitivement du côté des marginaux ». Dès ce livre, le ton rageur et cynique est trouvé et la thématique est claire. Une bande de loubards de banlieue, les Beuark, est engagée dans une affaire politico-policière qui se finit tragiquement. Le style, rapide et brutal, s'enrichit des tours et des phonèmes de la langue parlée, de l'argot, de calembours, d'anglicismes déformés, pour scruter à travers l'humour noir le naufrage d'une société déboussolée. Plusieurs romans suivront, tous marqués par une philosophie radicalement pessimiste et le spectacle de la « fracture sociale ». Billy-Ze-Kick (1974) met en scène des enfants « mutants », totalement autonomes et échappant au contrôle des adultes. C'est l'occasion pour Jean Vautrin de peindre une série de personnages de la « ville achélème », en redonnant au roman la fonction réaliste d'une observation sociale moderne. Après Mister Love (1977) et Typhon gazoline (1979), on retrouve un procédé similaire dans Bloody Mary (1979), qui se passe à nouveau à Sarcellopolis avec les personnages survivants du premier roman. Dans ce microcosme, le Malien qui lave les carreaux d'une tour H.L.M. de vingt-huit étages, occupe une position clé pour radiographier les vies privées. Réel et imaginaire confondus : c'est à nouveau l'univers schizophrénique et tragique de [...]

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Pour citer cet article

Michel P. SCHMITT. VAUTRIN JEAN (1933-2015) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jean Vautrin - crédits : Sophie Bassouls/ Sygma/ Getty Images

Jean Vautrin

Autres références

  • POLICIER ROMAN

    • Écrit par Claude MESPLÈDE, Jean TULARD
    • 16 394 mots
    • 14 médias
    ...le dessinateur Max Cabannes. Durant la même période, A.D.G. (1947-2004) décrit avec verve le Berry profond (La Nuit des grands chiens malades, 1972) et Jean Vautrin, le mal de vivre des banlieues-dortoirs durant une période électorale (À bulletins rouges, 1973), la tyrannie d’un despote mexicain (...

Voir aussi