Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MÉTELLUS JEAN (1937-2014)

Appartenant à cette vaste diaspora haïtienne que la dictature des Duvalier a contrainte à l'exil, Jean Métellus a su maintenir par l'écriture un lien étroit avec son pays. Né le 30 avril 1937 à Jacmel (Haïti), où il fut quelque temps professeur, il s'est installé à Paris en 1959, y a étudié la linguistique et la médecine, puis s'est spécialisé en neurologie. En 1973, la revue Les Lettres nouvelles publie un long poème, Au pipirite chantant, qui s'impose d'emblée comme une œuvre forte et novatrice. Placé sous l'invocation du pipirite (l'oiseau qui, en Haïti, salue le lever du jour), le poème conjugue les voix de la polyphonie haïtienne : le paysan, la femme dans sa solitude et ses peurs, l'arbre à pain, la graine, le soleil, les dieux du vaudou... Il dit l'éblouissement d'une nature violemment vivante, à l'image des blessures d'un peuple qui se défait sous la misère et l'oppression. Repris en volume en 1978, il s'est prolongé dans de nouveaux grands poèmes (Hommes de plein vent, 1981 ; Voyance, 1985 ; La Peau et autres poèmes, 2006) et dans un recueil (Tous ces chants sereins, 1981) où l'on reconnaît le même souffle impétueux, ce grand débordement de mots dans l'étalement voluptueux du long poème, cette irruption aussi d'une parole multiple surgie de tous les horizons haïtiens et qui intègre les échos des contes, des veillées, du parler créole. Dans une langue qui conserve la luxuriance des poèmes, Anacaona (1986) porte au théâtre le destin tragique de la reine d'Haïti brûlée vive par les compagnons de Christophe Colomb.

Les romans de Métellus, d'une écriture volontairement plus neutre, parfois traversée de quelques bouffées lyriques, ont d'abord choisi de refléter le destin récent d'Haïti. Jacmel au crépuscule (1981) déploie, à travers un subtil réseau de conversations, la chronique de la ville de Jacmel pendant l'année 1956. Dans La Famille Vortex (1982), le tourbillon de malheurs qui s'abat sur une famille symbolise les soubresauts qui saisissent Haïti avant l'arrivée au pouvoir de Duvalier. C'est la dictature elle-même qui sert de toile de fond à L'Année Dessalines (1987), que prolongera Louis Vortex (1992). Deux autres romans développent des sujets plus originaux, s'éloignant des thèmes haïtiens. Une eau-forte (1983) situe en Suisse l'action d'une fable très belle et mystérieuse, s'interrogeant sur l'identité d'un peintre célèbre et solitaire. Dans La Parole prisonnière (1986), c'est le bégaiement d'un enfant qui vient perturber la vie de tous ses proches. En refusant une haïtianité simplement affichée à la surface de l'œuvre, Métellus revendique, pour les écrivains haïtiens, la liberté de ne pas s'enfermer dans le régionalisme.

Jean Métellus est mort le 4 janvier 2014 à Paris.

— Jean-Louis JOUBERT

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jean-Louis JOUBERT. MÉTELLUS JEAN (1937-2014) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CARAÏBES - Littératures

    • Écrit par Jean-Pierre DURIX, Claude FELL, Jean-Louis JOUBERT, Oruno D. LARA
    • 15 575 mots
    • 4 médias
    ...Totolomannwel, 1986) jouent sur le débordement verbal, la force d'une gestuelle ancrée dans la tradition orale et la réactivation des mythes populaires. C'est en français que, dans son exil parisien, Jean Metellus a porté à la scène des moments clés de l'histoire haïtienne : Anacaona(1987)...
  • FRANCOPHONES LITTÉRATURES

    • Écrit par Jean-Marc MOURA
    • 7 220 mots
    • 5 médias
    ...Colombien Gabriel García Márquez. Les dictatures vont alors chasser du pays une diaspora qui renouvelle tant la poésie (René Depestre) que l’essai et le roman (Jean Métellus, Lyonel Trouillot), singulièrement en se déplaçant vers un autre espace francophone où différents auteurs ont trouvé refuge, le...

Voir aussi