DAUSSET JEAN (1916-2009)
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Le Français Jean Dausset, né à Toulouse en 1916 et décédé à Palma de Majorque (Espagne) le 6 juin 2009, a révolutionné le monde de l'immunologie avec sa découverte des molécules du « complexe majeur d'histocompatibilité », une contribution essentielle pour comprendre les règles de la compatibilité tissulaire entre les donneurs et les receveurs de greffe d'organes, et les mécanismes présidant au développement de la réponse immunitaire. Ses travaux lui ont permis de recevoir, en 1980, le prix Nobel de physiologie ou médecine qu'il partagea avec les Américains Baruj Benacerraf et George David Snell.
L' intitulé du laboratoire de Jean Dausset, « laboratoire d'immuno-hématologie », résume bien le parcours de ce scientifique. Initialement formé à la transfusion sanguine, qu'il a pratiquée pendant la Seconde Guerre mondiale, il observe, en 1952, que des anticorps, présents dans le sérum de patients greffés, sont capables d'agglutiner in vitro des globules blancs de donneurs de sang (phénomène appelé leuco-agglutination). L'étude systématique de la réactivité de ces anticorps contre les leucocytes de nombreux donneurs, éventuellement issus des mêmes familles, lui permet de décrire, en 1958, le premier antigène leucocytaire (Mac), premier élément d'un ensemble de glycoprotéines qui s'expriment soit dans la plupart des cellules (molécules de classe I), soit dans des cellules spécialisées du système immunitaire (molécules de classe II). Cet ensemble de molécules, nommées molécules HLA (Human Leukocyte Antigen), est appelé complexe majeur d'histocompatibilité (CMH).
Convaincu qu'elles constituent une véritable carte d'identité biologique pour chaque individu, Jean Dausset démontre, à l'aide de greffes de peau effectuées sur des volontaires, l'importance de ces molécules HLA en transplantation. Ainsi, chaque individu présente une combinaison particulière de molécules HLA, et ces dernières définissent des groupes humains qui partagent certaines d'entre elles. L'analyse de la réactivité de larges collections d'anticorps provenant de volontaires immunisés avec des leucocytes provenant de différents individus, puis celle des « cultures mixtes lymphocytaires », où les leucocytes de deux donneurs sont mis en présence in vitro pendant quelques jours et leur prolifération étudiée, vont permettre à la communauté médicale de disposer d'un ensemble d'outils et de techniques pour évaluer le degré de compatibilité entre un donneur et un receveur en attente de greffe d'organe. Cela conduira tout naturellement Jean Dausset à fonder, en 1969, l'association France-Transplant, dans le but d'organiser et de développer la transplantation d'organes en France.
À la fin des années 1950, Jean Dausset participe également activement à la création des centres hospitaliers universitaires (C.H.U.), où enseignement, services cliniques et laboratoires de recherche se retrouvent étroitement liés. Son laboratoire – une unité de recherche de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale –, sis à l'hôpital Saint-Louis à Paris – à l'Institut de recherche sur les maladies du sang, dirigé alors par Jean Bernard –, sera d'ailleurs une pépinière de scientifiques talentueux.
En 1968, Jean Dausset a été nommé professeur d'immuno-hématologie à la faculté de médecine de Paris. Il sera également titulaire, de 1977 à 1987, de la chaire de médecine expérimentale du Collège de France.
Outre leurs retombées directes sur la transplantation, les travaux de Jean Dausset vont avoir des répercussions importantes en anthropologie humaine et sur notre compréhension des liens pouvant exister entre certaines maladies et les molécules HLA. L'étude de la répartition des groupes de différentes molécules HLA dans les populations humaines a en effet permis de relier cette cartographie « biologique » à l'histoire des migrations humaines et de mieux comprendre le devenir de ces populations en fonction de grandes pandémies passées. Par ailleurs, la mise en évidence d'une expression préférentielle de certaines combinaisons de molécules HLA chez certains individus (appelée déséquilibre de liaison) a montré que l'expression de molécules HLA particulières était associée à des maladies, et a conduit à l'émergence du concept de médecine prédictive et d'individualisation des traitements.
À soixante-sept ans, toujours profondément impliqué dans la recherche médicale, Jean Dausset va participer à l'aventure du séquençage du génome humain en fondant, en 1983, le Centre d'étude du polymorphisme humain (C.E.P.H.) – devenu depuis 1993 la Fondation Jean Dausset-C.E.P.H. – qui va contribuer à l'établissement de la carte génétique et physique du génome de l'homme et permettre la localisation de gènes impliqués dans des maladies génétiques. Depuis le milieu des années 1990, Jean Dausset s'était de nouveau penché sur les molécules HLA impliquées dans la tolérance immunitaire et l'immuno-suppression, deux phénomènes jouant, respectivement, un rôle essentiel dans la relation fœto-maternelle et dans le contrôle de la réponse immunitaire contre les cellules cancéreuses.
Jean Dausset a reçu de nombreux prix et distinctions. Esprit ouvert et humaniste convaincu, il a aussi été un fervent ami des arts, et de la peinture en particulier.
Bibliographie
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J. Dausset, « Iso-leuco-anticorps », in Acta Hæmat., vol. 20, pp. 156-166, 1958 ; « Correlation between histocompatibility antigens and susceptibility to illness », in Prog. Clin. Immunol., vol. 1, pp. 183-210, 1972 ; « The Major Histocompatibility Complex in Man – Past, Present, and Future Concepts », in Nobel Lecture, pp. 628-641, 1980 ; « The Center for the Study of Human Polymorphism », in Presse Méd., vol. 15, pp. 1801-1802, 1986
J. Dausset& A. Nenna, « Presence of leuko-agglutinin in the serum of a case of chronic agranulocytosis », in C.R. Séances Soc. Biol. Fil., no 146, pp. 1539-1541, 1952
P._Paul et al., « HLA-G expression in melanoma : a way for tumor cells to escape from immunosurveillance », in Proc. Natl. Acad. Sci. USA, vol. 95, pp. 4510-4515, 1998
F. T. Rapaport& J. Dausset, « Ranks of donor-recipient histocompatibility for human transplantation », in. Science, vol. 167, pp. 1260-1262, 1970
M. Sasportes et al., « Studies of skin allograft survival and mixed lymphocyte culture reaction in Hl-A-genotyped families », in Transplant. Proc., vol._4, pp._209-218, 1972.
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Écrit par
- Jean-Luc TEILLAUD : directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale
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