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RÉDA JACQUES (1929- )

Jacques Réda - crédits : Laurent Maous/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Jacques Réda

Né en 1929, à Lunéville, Jacques Réda est l'auteur d'une œuvre attachante, abondante, qui ne prétend en rien renouveler les formes du poème ou de la prose, tant elle est insoucieuse des modes ou des avant-gardes. Elle affiche même volontiers un certain goût pour le classicisme, au moins sur le plan formel. Et pourtant, elle se caractérise par une voix, un regard, un style fort singuliers : élégiaque sans apitoiement, lyrique sans emphase, métaphysique sans gravité, urbaine sans modernisme, bucolique sans mièvrerie ni écologisme militant, humoristique sans superficialité, l'écriture se fait parole, parfois « épître » ou « discours », pour dire l'exubérante et intermittente beauté du monde et les angoisses de la condition humaine, oscillant ainsi entre sentiment du désastre et de la merveille.

Un passant parmi d'autres

Un des premiers recueils importants (La Tourne, 1975) s'ouvre ainsi : « Je commence, je commence toujours, mais c'est aussi toujours une suite. » L'écriture va donc épouser le mouvement même de la vie, ses humeurs tantôt désabusées, tantôt enthousiastes afin de conjurer le désespoir d'une conscience tragique du temps, entre la nostalgie d'une origine « impalpable » et la certitude d'une inéluctable « cuisson des carottes » dont témoigne La Course (1999). Entre ces deux pôles, s'ouvre toute la profusion du monde et de l'espace que la circulation lyrique explore, inventorie, décrit inlassablement. « Le désespoir n'existe pas pour un homme qui marche. » En dépit des variations chronologiques, thématiques ou génériques, cette œuvre trouve donc son unité dans l'idée d'une mobilité infatigable et toujours curieuse. « Homme de lettres » n'est pour Réda « ni une spécialité ni une profession » (il a assuré la direction de la Nouvelle Revue française de 1987 à 1995), c'est une « qualité, quelque chose qui tient à l'homme même », selon une formule de Larbaud.

Outre quelques recueils publiés entre 1952 et 1955 et qu'il a préféré ne pas reprendre, l'œuvre poétique de Jacques Réda s'ouvre en 1968 avec Amen et se poursuit avec Récitatif (1970), La Tourne (1975), les poèmes en prose des Ruines de Paris (1977), Hors les murs (1982), Retour au calme (1989), Lettre sur l'univers et autres discours en vers français (1991), L'incorrigible (1995), La Course, L'Adoption du système métrique (2004). À ces recueils s'ajoutent les textes réunis dans Celle qui vient à pas légers (1985) pour définir sa conception de la création poétique et des questions de métrique (dont, déplore-t-il, « tout le monde se fout »). Le sous-titre de L'Incorrigible et de La Course, « Poésies itinérantes et familières », caractérise une poésie fondée sur la description de paysages urbains, suburbains ou agrestes, en province ou à l'étranger, avec une prédilection pour les lieux déshérités soudain illuminés. On pourrait parler de quête si ce mot n'avait pris avec le surréalisme un sens quelque peu mystique, voire volontariste, fort éloigné de la démarche de Réda. Il s'agit plutôt ici d'une flânerie méditative et d'une disponibilité à l'inattendu, sorte de saisissement plus proche de la sidération et de la stupeur que de l'extase ou de la révélation. Dans le poème, s'opère une dépossession heureuse qui est paradoxalement présence à soi et accord fugace avec le monde. Si le poète a fait sa résidence dans le mouvement, c'est pour laisser ouvert ce souhait : « Que ce soit l'Extérieur enfin qui parle, dans le creux déserté que je suis. » Le lyrisme, méditatif, n'est donc pas centré sur le moi et tend même à une certaine forme de dépersonnalisation. Le poème sert à « frayer un chemin dans l'épaisseur où nous errons » ([...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en littérature française à l'université Paris-X Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Pierre LOUBIER. RÉDA JACQUES (1929- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Jacques Réda - crédits : Laurent Maous/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Jacques Réda

Autres références

  • L'HERBE DES TALUS, Jacques Réda - Fiche de lecture

    • Écrit par François TRÉMOLIÈRES
    • 886 mots

    Le paradoxe de l'esthétique est bien connu : le naturel dans l'art. Il faut, c'est entendu, fuir l'artifice ; mais où trouver la nature, sinon chez les artistes ? La nature brute, totale, n'existe pas : nous y sommes, toujours et partout. Rien que de trivial là-dedans. Et pourtant, il faut des poètes...

  • LES RUINES DE PARIS, Jacques Réda - Fiche de lecture

    • Écrit par Yves LECLAIR
    • 893 mots

    Les Ruines de Parisa été publié en 1977 dans la collection « Le Chemin » dirigée par Georges Lambrichs aux éditions Gallimard. Ce recueil succède à un cycle de poèmes élégiaques – Amen, 1968 ; Récitatif, 1970 ; La Tourne, 1975 – dont le dernier titre annonce un changement qui va...

  • QUEL AVENIR POUR LA CAVALERIE ? (J. Reda) - Fiche de lecture

    • Écrit par Yves LECLAIR
    • 1 037 mots

    Poète, auteur de récits en prose et d’essais, directeur de La Nouvelle Revue française de 1987 à 1996, éditeur et chroniqueur de jazz, Jacques Réda occupe une place à part dans la poésie contemporaine.

    Né en 1929 à Lunéville, ville de garnison où il a passé son enfance, Jacques Réda en a gardé...

Voir aussi