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LIPCHITZ JACQUES (1891-1973)

Lipchitz est une des figures les plus marquantes de l'art contemporain. Sculpteur français d'origine lituanienne, il recourut aux procédés du cubisme pictural pour mettre au jour les éléments d'une conception révolutionnaire du jeu des volumes dans l'espace. Peu d'artistes ont poussé aussi loin que lui l'utilisation plastique du vide : dans ses essais de sculpture « transparente », la masse, progressivement évidée à partir du centre, s'évanouit, laissant à un réseau compliqué de fils de bronze le soin de suggérer une empreinte.

À partir de 1930, l'œuvre s'infléchit vers une forme de baroque très personnelle, où Lipchitz exprime en toute liberté, dans un élan lyrique qui ne faiblira pas, son amour de la vie et du mouvement. Les thèmes, mythologiques ou bibliques, de même que les schémas sur lesquels reposent la plupart des compositions, sont choisis en fonction de leur faculté de résonance dans l'imaginaire et confèrent à l'ensemble un exceptionnel pouvoir d'évocation.

La plasticité du vide

Il fallait que la gloire artistique du Paris du début de ce siècle fût prestigieuse pour attirer des vocations disséminées aux quatre coins de l'Europe ! Jacques Lipchitz en témoigne, qui n'hésita pas à quitter, en 1909, sa Lituanie natale (il est né en 1891 à Druskieniki) pour venir recevoir l'enseignement des maîtres parisiens. On le vit donc à l'École nationale supérieure des beaux-arts, puis à l'académie Julian. Une atteinte de tuberculose en 1911, un voyage en Russie l'année suivante interrompirent ses études, mais en s'installant à nouveau à la fin de 1912 rue du Montparnasse, en exposant pour la première fois au Salon d'automne de 1913, Lipchitz entendait signifier son appartenance à la bohème cosmopolite qui allait faire de la capitale française un incomparable foyer d'art. Des amitiés le marquent dès cette époque : Max Jacob, Radiguet, Modigliani, Juan Gris principalement. Sa première exposition particulière a lieu chez L. Rosenberger, en 1920. La commande, en 1922, de cinq bas-reliefs pour la Barnes Foundation en Pennsylvanie lui ouvre les portes du mécénat international. Désormais, les expositions vont se succéder à un rythme rapide, tant sur l'Ancien que sur le Nouveau Continent. En 1941, Lipchitz se réfugie à New York. Bien que citoyen français depuis 1925, il se fixe définitivement à Hastings-on-Hudson en 1947.

Naturalisme des figures, modelé traditionnel, rien dans la production de Lipchitz antérieure à 1913 ne laissait présager l'audace tranquille des plans géométriques, la stylisation hardie mais savamment proportionnée d'œuvres comme La Rencontre (plomb, 1913 ; coll. part., Boulogne-Billancourt) ou La Danseuse (bronze, 1913 ; Musée national d'art moderne de Paris). Cet art de structure et de synthèse, non exempt d'un certain maniérisme dans le jeu contrasté des courbes et des obliques, reste d'expression figurative – sans aucune équivoque. Dans son effort pour donner corps et volume aux principes de l'esthétique cubiste, Lipchitz emprunte simultanément deux voies distinctes. L'une d'elles l'amène à puiser sans cesse ses références dans le domaine pictural : conçus selon les préceptes d'un cubisme synthétique qui, d'emblée, a défini les perspectives de l'acte créateur, ayant très souvent fait l'objet d'études préparatoires en forme de tableaux, des bronzes comme le Marin à la guitare (1914), la série des Baigneuses de 1917-1918 et les bas-reliefs de natures mortes de 1918 sont plus que d'habiles transpositions ; ils possèdent des qualités spatiales que pourraient leur envier bien des œuvres de Laurens à la même époque. Parallèlement à ces recherches, malgré tout limitées dans leur ambition, Lipchitz révèle la face la plus novatrice de son[...]

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Pour citer cet article

Gérard BERTRAND. LIPCHITZ JACQUES (1891-1973) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CUBISME

    • Écrit par Georges T. NOSZLOPY, Paul-Louis RINUY
    • 8 450 mots
    Il revint àJacques Lipchitz (1891-1973) dont les premières sculptures cubistes datent de 1913, tel L'Écuyère à l'éventail (plâtre, 1913, Musée national d'art moderne, Paris), de concrétiser ce lien entre le cubisme et l'abstraction. Fragmentant les formes et décomposant les corps, Lipchitz...

Voir aussi