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INJONCTION, linguistique

On appelle injonction toute attitude énonciative destinée à obtenir de l'interlocuteur qu'il se comporte selon le désir du locuteur, qu'il s'agisse d'un ordre ou d'une défense. Dans la langue, le mode de l'injonction est, par excellence, l'impératif, qui ne connaît, de façon toute naturelle, que la deuxième personne, celle du destinataire du discours. C'est par un abus de langage qu'on parle de première personne de l'impératif : il ne saurait y avoir d'injonction dont l'énonciateur serait partie prenante ; il n'y a (sauf toutefois pour avoir et être) qu'un degré zéro de la personne à une même forme de l'indicatif.

Quelques verbes à contenu modal (pouvoir, devoir) ne peuvent se soumettre à un mode injonctif. De même, le verbe être ne peut s'employer sous forme injonctive que quand il ne prédique pas une qualité permanente de l'individu (sois fort, mais non : sois brun).

D'autres valeurs verbales peuvent se substituer à l'impératif, notamment l'infinitif, qui est la nominalisation du verbe, dont les marques de personne sont effacées (apposer ici ses empreintes) et dont les déterminations sont par conséquent rejetées dans celles de la troisième personne. L'injonction représente dans beaucoup de langues la forme flexionnelle la moins marquée de la conjugaison, comme une sorte de radical nu. À l'inverse, un futur peut fonctionner comme injonctif (vous vous occuperez de cela).

L'injonction consistant à créer ou à tenter de créer chez l'autre un comportement, elle se rattache à la fonction conative du langage telle que la définit Roman Jakobson dans ses Essais de linguistique générale (Preliminaries to Speech Analysis, 1952). En particulier, la construction injonctive diffère de toutes les autres constructions déclaratives sur deux points : elle ne peut pas provoquer la question « est-ce vrai ? », elle ne peut pas être transformée en phrase interrogative. Une phrase comme il pleut peut se prêter à la question est-ce vrai ou faux qu'il pleut ? et peut être transformée en phrase interrogative : pleut-il ?, ou est-ce qu'il pleut ? Cela n'est pas le cas de constructions injonctives comme Entrez ou Regardez par la fenêtre.

Enfin, l'injonction est un cas particulier de l'énonciation : dans How to do Things with Words (1962), J. Austin a tenté de théoriser toute la pragmatique du rapport entre l'énonciateur et la situation de parole.

— Louis-Jean CALVET

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Écrit par

  • : docteur ès lettres et sciences humaines, professeur à la Sorbonne

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Pour citer cet article

Louis-Jean CALVET. INJONCTION, linguistique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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