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GUITTON HENRI (1904-1992)

Avant d'enseigner les sciences économiques, Henri Guitton avait travaillé une dizaine d'années dans l'entreprise familiale de fabrique de rubans que dirigeait son père à Saint-Étienne. Il y trouva le sujet de sa thèse de doctorat d'État, L'Industrie des rubans de soie en France, soutenue à Paris en 1928. Puis, sa carrière d'universitaire le conduisit successivement à l'Institut catholique de Paris, aux facultés de droit de Nancy, de Dijon, de Paris enfin, où il fut élu en 1952 et resta jusqu'à sa retraite, en 1974.

Son œuvre scientifique, très importante, s'ordonne autour de trois axes pourvus d'une trame commune, l'intégration du temps.

Du premier axe, la relation entre la science et la doctrine, relèvent Le Catholicisme social, paru en 1945, ou les différentes Leçons aux semaines sociales qu'Henri Guitton donne entre 1937 et 1961 ou encore les commentaires qu'il fait de la totalité des encycliques et des messages pontificaux, de Léon XIII à Paul VI, ou enfin L'Économie face aux sciences exactes (1972). La distinction entre la théorie et la doctrine, ou entre la science et la doctrine, passionne Henri Guitton. Pour lui, cette distinction repose sur la relation d'intégration que chacune d'elles entretient avec le temps. La théorie intègre le temps, alors que la doctrine est intégrée au temps. L'intégration du temps dans la théorie se fait de façon très diversifiée, mais en dehors des préoccupations communes immédiates. La doctrine, au contraire, veut agir sur l'époque, le mode de vie voire les mœurs : elle ne peut se comprendre qu'historiquement datée. L'une des doctrines qui tenait le plus au cœur d'Henri Guitton était la doctrine sociale de l'Église.

Le deuxième axe de l'œuvre scientifique est celui des fluctuations, des cycles et de la conjoncture. Henri Guitton a consacré un manuel complet aux Fluctuations économiques, en 1951, puis aux Mouvements conjoncturels, en 1971 ; il a aussi écrit de multiples articles sur la question, créé et dirigé une équipe de recherche associée au C.N.R.S. sur la conjoncture analytique et été membre de la section de conjoncture au Conseil économique et social (1959-1962). Henri Guitton avait un présupposé méthodologique : il faut partir des faits pour expliquer ces faits. Il distinguait la cinématique et la dynamique. La cinématique n'est que la suite de la statique, dans laquelle on a réintégré le temps sous forme de chronologie. Il s'agit du temps de l'horloge ou du temps de la mécanique classique. Il faut observer et identifier les mouvements, c'est-à-dire qu'il faut connaître toutes les formes a priori des mouvements pour reconnaître ceux-ci dans les statistiques. De ce point de vue, les chartistes de la finance de marché ne font pas autre chose. La cinématique permet d'identifier des mouvements types ; elle ne permet pas de trouver l'enchaînement des causes ni de découvrir, au milieu de toutes les origines possibles d'un phénomène, ce qu'Henri Guitton appelait la cause causante. Il faut passer à la dynamique pour comprendre les phénomènes que l'on a identifiés. Il s'agit alors de découvrir le temps propre des variables économiques, c'est-à-dire la durée qu'il faut à chaque variable pour produire ses effets. Il faut aller, suivant le titre de l'un des ouvrages d'Henri Guitton, À la recherche du temps économique (1976).

Le troisième axe est celui des mathématiques, de la statistique et de l'économétrie. Ici encore, il faut signaler des manuels de statistiques et d'économétrie ou des articles comme « L'Utilisation des premiers nombres dans la numération en économie » (1977). Henri Guitton a eu un immense mérite, celui de comprendre que la science économique que l'on enseignait en France dans[...]

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Écrit par

  • : professeur agrégé de sciences économiques et de gestion à l'université Panthéon-Assas

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Pour citer cet article

Daniel VITRY. GUITTON HENRI (1904-1992) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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