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GUILLEMIN HENRI (1903-1992)

Historien, polémiste, professeur de lettres, critique littéraire, militant chrétien du Sillon, auteur d'une cinquantaine d'ouvrages qui, tout en révélant la sienne propre, n'ont cessé de susciter les passions, Henri Guillemin aura été pendant plus de soixante ans, de ses premiers travaux sur Jean-Jacques Rousseau à son adjuration posthume à la Malheureuse Église, un vibrant imprécateur des lettres, et la mauvaise conscience de l'institution catholique.

Né en 1903, à Mâcon, d'une famille de petits fonctionnaires, condisciple de Sartre à l'École normale supérieure, enthousiaste disciple de Marc Sangnier (du Sillon à la Jeune République), auteur d'un essai sur Flaubert qui lui vaut l'admiration déclarée de François Mauriac, avec lequel il noue une amitié orageuse mais fervente, Henri Guillemin publie en 1937, dans La Vie intellectuelle, revue des dominicains, un violent réquisitoire contre la politique millénaire de l'Église romaine, intitulé Par notre faute, et qui fait scandale. Professeur de lettres à l'université de Bordeaux, ses opinions antifascistes le contraignent, en 1942, à se réfugier en Suisse, où, à partir de 1945 et pendant près de vingt ans, il est attaché culturel à l'ambassade de France à Berne, puis enseignant à Genève, avant de s'installer à Neuchâtel, attiré par la richesse du « fonds Rousseau », qui restera, avec Hugo, son auteur de prédilection, celui pour lequel il rompra le plus de lances.

Si la notoriété de Guillemin et sa légende de « grand inquisiteur » doivent surtout aux réquisitoires et aux sarcasmes qu'il a dirigés contre Voltaire et les deux Napoléon, contre Benjamin Constant et Vigny, contre Chateaubriand et Péguy, une part au moins égale de son œuvre est faite de plaidoyers, notamment en faveur de ceux chez qui il vit se manifester, mystérieuse ou éclatante, une forme quelconque de foi religieuse, une soif de Dieu. Ainsi pour Lamartine, Jaurès, Robespierre, Flaubert, et même Sartre.

Henri Guillemin n'aura pas été seulement l'implacable dénonciateur du voltairisme insoucieux des misérables, l'ennemi du nationalisme conquérant ou de la bourgeoisie conservatrice, l'inlassable détecteur de tous les gisements de spiritualité dissimulés sous des masques divers. Il aura été aussi le champion intrépide de causes étrangères, en apparence, au christianisme — celle de Zola face aux accusateurs de Dreyfus, celle de Vallès contre les fusilleurs de communards, ces vertueux fondateurs de la IIIe République qu'il appelle « les Jules ». La passion qui animait ses plaidoyers comme ses réquisitoires le conduisit à quelques « dérapages » dans l'utilisation des documents, durement dénoncés par des historiens et professeurs de lettres, notamment au bénéfice de Robespierre et au détriment de Péguy. Ni à propos de celui-ci ni à l'égard de celui-là il n'aura été tout à fait équitable. Mais apprivoise-t-on une flamme ? Maîtrise-t-on un brasier ? Le caractère irremplaçable de Guillemin — comme de son ami-ennemi Péguy — tenait précisément à cette intransigeance, voire à l'excès qu'il mettait en toute chose, à sa sympathie frémissante pour les pauvres et la justice, à son dédain de la comédie littéraire, à son refus des honneurs, son horreur pour les pompes et les ruses ecclésiastiques. Il paraissait d'autant plus enragé qu'il était plus obsédé de spiritualité latente.

Chrétien anticlérical, professeur anticonformiste, militant d'un socialisme chrétien voué à la marginalité, étincelant « causeur de télévision » (pour la Suisse romande) qui se sera toujours tenu à l'écart des émissions « parisiennes » ou grand public, Henri Guillemin aura traversé le xxe siècle comme un météore incandescent, cabré contre la « mort de Dieu », les totalitarismes[...]

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Jean LACOUTURE. GUILLEMIN HENRI (1903-1992) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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