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TURCATO GIULIO (1912-1995)

Giulio Turcato a été l'un des créateurs de l'art abstrait italien de l'après-guerre. Il contribua de manière décisive aux développements purement plastiques de son temps, ainsi qu'à la redéfinition des finalités d'un art qui se devait alors de rendre des comptes à une société éprouvée par la guerre et le fascisme. Attaqué par les tenants du « réalisme socialiste », mais défendu par des historiens et des critiques d'art aussi prestigieux que Lionello Venturi ou Giulio Carlo Argan, Turcato s'est attaché à des questions picturales essentiellement formelles et son art a évolué vers une abstraction non dénuée de sacralité.

Né à Mantoue en 1912, Giulio Turcato accomplit des études artistiques à Venise, où il participe à des expositions collectives à partir de 1932. Après son service militaire, il s'installe en 1935 à Milan pour travailler dans l'atelier de l'architecte Giovanni Muzio. À Rome, en 1943, il participe de nouveau à des expositions collectives à la Galleria dello Zodiaco. Pendant la guerre, il s'engagera dans la résistance antifasciste aux côtés des communistes. Marqué par cette expérience humaine et idéologique, Turcato veut concilier, dans les années 1940, l'avant-garde picturale abstraite et l'engagement politique de son art, cherchant de nouvelles voies plastiques qui lui permettent d'exprimer ses idées sans trahir son projet pictural. En 1947, il signe le Manifeste du formalisme et fonde le groupe Forma 1 ; son inflexibilité théorique et la critique virulente du réalisme socialiste à laquelle il se livre dans ses articles le mènent à une sorte d'excommunication de la part du Parti communiste italien. Lorsqu'il expose personnellement pour la première fois, à la Galleria del Secolo en 1949, à Rome, les conflits avec le parti sont à leur paroxysme. Bien que ses œuvres soient alors des formes semi-abstraites tirées de la réalité, les sujets représentés ne sont véritablement identifiables que grâce à leur titre – Ruines de la guerre, Réunion politique, Révolte, Usines, Mines. Le maintien d'un contenu fortement politisé, mais sans recours à des images figuratives, sera compris comme une trahison par les adeptes du réalisme. Estimant que la sphère politique et le monde de l'art ne peuvent se rencontrer, Turcato adhère, en 1952, au Gruppo degli Otto Pittori italiani, fondé par Lionello Venturi. À partir de cette date, ses œuvres s'éloignent du géométrisme et font place à des compositions plus fluides et aléatoires, avec des touches et des mélanges de matières plus libres, résultat d'une pratique gestuelle qui devient prépondérante. Le contenu politique est délaissé au profit d'une certaine religiosité, l'art de Turcato se nourrissant alors de la pensée zen. Son œuvre sera reconnue officiellement lors de l'attribution du Prix national à la biennale de Venise en 1958. Changeant régulièrement de techniques et de matériaux, Turcato réalise dans les années 1960 des objets, constitués en partie de collages, en partie de peinture, qui rappellent quelque peu les objets dadaïstes ou surréalistes mais privés de leur contenu négateur ou fortuit. Influencé par l'expressionnisme abstrait américain, il réalise parallèlement de grands formats à tendance monochromatique où sont privilégiées les recherches sur les matières et la lumière, telles que Triptyque phosphorescent (1965), où l'art informel côtoie un léger retour à la géométrisation. Ses diverses expérimentations picturales conduisent également Turcato à la production de sculptures de grande taille, aux formes abstraites et élancées, aux couleurs vives, placées à la verticale tels des emblèmes totémiques. Pendant les années 1970 et 1980, de nombreuses expositions lui sont consacrées ; une rétrospective, à la Galleria nazionale d'arte moderna[...]

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Écrit par

  • : professeur en esthétique à l'université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, critique d'art

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Pour citer cet article

Jacinto LAGEIRA. TURCATO GIULIO (1912-1995) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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