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EINAUDI GIULIO (1912-1999)

Lorsque, en 1933, furent publiés à Turin les premiers livres de la maison d'édition qu'il venait de fonder, Giulio Einaudi avait vingt et un ans, et il était surtout connu comme le fils d'un homme éminent, Luigi Einaudi, grand économiste libéral et futur président de la République (1948-1955), à l'égard duquel le fascisme, au pouvoir depuis plus de dix ans, observait une attitude faite de méfiance et de tolérance. L'héritage que ce nouvel éditeur crut devoir recueillir était essentiellement celui de Piero Gobetti, turinois lui aussi et théoricien génial de la « révolution libérale », contraint à l'exil par le régime et mort très jeune à Paris, en 1926. Mais, parmi les influences importantes, il faut également mentionner le travail mené par la maison d'édition Slavia, qui s'efforçait de faire connaître les classiques russes grâce à des traductions de première main et, naturellement, l'activité à la fois politique, journalistique et culturelle conduite à Turin par Antonio Gramsci, avant qu'il ne soit emprisonné en 1926.

Deux traits radicalement novateurs allaient permettre de caractériser d'emblée la physionomie de la maison d'édition et de justifier son prestige presque immédiat : d'une part, la coexistence de collections d'une haute tenue scientifique (Biblioteca di cultura storica, Saggi, Nuova raccolta di classici italiani annotati) et de collections tournées au contraire vers un public plus vaste et moyennement cultivé, comme Narratori stranieri tradotti ou l'aristocratiquement populaire Universale Einaudi, qui publie, à partir de 1942, Nietzsche, Leopardi, Érasme ou Lautréamont. D'autre part, il y eut la capacité de Giulio Einaudi à fondre, dans une image forte et bien identifiable, et grâce aussi à ses dons de séduction personnels (d'où le mythe, vite répandu et non privé de fondement, qui le fait moins apparaître comme un chef d'entreprise que comme une sorte de prince de la Renaissance) les multiples talents, les traits de caractère et les penchants idéologiques de ses différents collaborateurs – depuis un antifasciste intransigeant tel que Leone Ginzburg jusqu'à ceux qui pensaient qu'une « confrontation » avec le régime était encore possible, comme Carlo Muscetta ou Giaime Pintor.

Avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, la production et le poids culturel de la maison vont connaître une augmentation impressionnante. Les collections se multiplient ; l'intérêt pour la narration contemporaine s'élargit, avec la naissance des Coralli et, peu après, des Supercoralli. Se précise aussi l'engagement politique et idéologique en faveur du marxisme, comme en témoigne la publication des œuvres de Gramsci. Que la maison Einaudi n'ait été en rien, comme certains le soutiennent, une sorte de « bras éditorial » du Parti communiste italien, le prouve assez la présence décisive, au côté du « prince », de personnalités aussi exceptionnelles que difficilement classables. Après Leone Ginzburg, mort en 1944 dans les prisons fascistes, Cesare Pavese assume pendant quelque temps les fonctions de « premier ministre » de Giulio Einaudi ; puis, après son suicide en 1950, vient le tour d'Italo Calvino. En collaboration avec ceux-ci et les autres membres de l'exécutif, une équipe de conseillers de haut niveau se montre très active. Parmi eux se détachera longtemps, et même bien après qu'il eut quitté avec éclat le P.C.I., Elio Vittorini, à qui l'on doit entre autres la création des Gettoni, la collection qui, entre 1951 et 1959, a fait connaître une grande partie des nouveaux talents de la narration italienne (Lalla Romano, Beppe Fenoglio, Anna Maria Ortese, Leonardo Sciascia). S'il est très important à cette période, l'intérêt pour la littérature ne diminue en rien l'attention que porte Einaudi à l'histoire et aux sciences humaines.[...]

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Classification

Pour citer cet article

Giovanni RABONI. EINAUDI GIULIO (1912-1999) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PAVESE CESARE (1908-1950)

    • Écrit par Giuditta ISOTTI-ROSOWSKY
    • 2 351 mots
    ...aux chaînes irrationnelles de la société [...]. Ce ne sont pas des surhommes, au contraire, ce sont des êtres ordinaires, même quand ils ont du génie.” En 1933, Giulio Einaudi fonde sa maison d'édition avec l'aide de ses amis, dont Pavese. Les collaborateurs sont surveillés par le régime fasciste. Arrêté...

Voir aussi