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WINSTANLEY GERRARD (1609-? 1660)

L'un des plus importants penseurs révolutionnaires à l'époque de la première révolution anglaise, Gerrard Winstanley est aussi l'un des plus fugitifs. L'essentiel de son œuvre connue, et même des épisodes avérés de sa vie, se situe entre 1648 et 1652. Il est considéré comme l'un des grands apôtres d'un communisme agraire, un précurseur du rationalisme, mais aussi du socialisme chrétien. Né à Wigan, élève d'une grammar school, puis commerçant à Londres, il est ruiné par la guerre civile, se réfugie dans la campagne londonienne et commence à écrire et à devenir un militant de ses idées.

Contrairement aux « niveleurs », qui rêvent d'une démocratie politique dans le plein respect de l'ordre social, il rêve d'un « vrai nivellement » de la société par la résolution du problème de la misère et de l'exploitation. Il le dit dans des ouvrages successifs, rédigés en anglais de tous les jours, mais nourris de références bibliques et dotés d'un ton souvent prophétique : ainsi La Nouvelle Loi de justice, Le Buisson ardent, La Loi de la liberté faite programme, parmi d'autres écrits dont quelques-uns sont davantage inspirés que rédigés personnellement par lui. On a évoqué à son propos le précédent de l'Utopie de Thomas More, puisqu'il rêve lui aussi d'une société idéale, celui des anabaptistes allemands de Münster, en 1535, également à la recherche de l'égalité sociale et d'une révolution par la voie de l'amour chrétien ; et, parce qu'il appartient à la génération des premiers grands rationalistes politiques, comme Hobbes, ou Spinoza, on le catalogue parmi les contempteurs de la religion et des clergés traditionnels, au mieux déiste, en partie athée, à coup sûr hostile à la plupart des vérités « révélées ».

En compagnie d'un nombre limité de compagnons, quelques dizaines sans doute, il constitue un groupe militant dit des diggers ou « bêcheurs » : ceux-ci, d'abord guidés par William Everard, occupent deux terrains communaux successifs, à Saint George Hill, puis à Cobham, et défient l'autorité des seigneurs du lieu. Ils revendiquent pour les miséreux le droit à la terre en friche, celui de l'enrichir par leur agriculture et de se rendre ainsi indépendants. L'acte est nécessairement scandaleux dans une Angleterre attachée au droit de propriété : il doit représenter, pour ses auteurs, la première démarche en vue d'un partage des terres non cultivées, avant de passer à une distribution nouvelle du sol et à la création d'une vie communautaire de travail et de répartition des fruits de ce travail. C'est bien un défi à la propriété que Winstanley, avant Rousseau, assimile à une conquête forcée et sans justification. Les réactions des propriétaires de Saint George et de Cobham portent le sceau de la violence physique et du recours à la violence de la loi. C'est vainement que Winstanley fait appel aux chefs militaires de la révolution, en particulier au général Fairfax, commandant en chef de l'armée puritaine du Nouveau Modèle, pour participer à la fondation d'un véritable royaume de Dieu ici-bas. C'est que l'élan du communisme agraire ne pouvait être fondé, à l'époque, que sur une réinterprétation du message biblique. Or Winstanley nie la lettre des Écritures et met en doute bien des récits évangéliques. Il se veut un mystique, animé par une « voix » ou une « lumière » intérieure et il considère le Christ comme la personnification de la Raison divine. Il n'en adopte pas moins les intonations prophétiques des millénaristes de l'époque pour annoncer « le retour du Messie » lorsque le message divin aura été bien compris et appliqué. Son message est manifestement hérétique, et en 1648 Winstanley s'est volontairement exposé aux pénalités prévues par une loi sur les blasphèmes ; mais il écrit dans des années où triomphe la tolérance, et ses audaces sont celles[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Roland MARX. WINSTANLEY GERRARD (1609-? 1660) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DIGGERS

    • Écrit par Bernard ROUSSEL
    • 286 mots

    Membres d'un groupe contemporain des levellers (ou niveleurs) de John Lilburne, à l'époque de la république d'Angleterre ou Commonwealth (xviie s.). Leurs chefs, Gerrard Winstanley et William Everard, proclament leur droit à « bêcher (to dig, d'où vient leur surnom de ...

Voir aussi