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COLONNA FRANCESCO (1433 ou 1434-1527)

Né, semble-t-il, à Venise d'une famille peut-être originaire de Trévise où il aurait pu séjourner en 1462-1467, Francesco Colonna entre dans le couvent dominicain de Saint-Jean-et-Saint-Paul à Venise où sa présence est attestée en 1471. Il étudie à Padoue où il devient, en 1473, bachelier en théologie. Plus tard, il obtiendra le doctorat dans la même discipline. La culture de Francesco Colonna est à la fois celle d'un homme d'Église et celle d'un humaniste. La culture profane et artistique avait, d'ailleurs, droit de cité dans ce couvent vénitien avec lequel Colonna entretint des rapports complexes et déconcertants : tantôt il est menacé des plus graves sanctions, tantôt il occupe des charges importantes et exerce avec succès une activité de prédicateur. Peut-être supportait-il mal une discipline pourtant très relâchée. Mais on peut penser qu'il se trouva impliqué, à diverses reprises, dans des épisodes scabreux. D'après M. T. Casella, la nouvelle II, 4 de Bandello mettant en scène un frère Francesco amant d'une jeune femme de Venise, et qui élimine son rival, pourrait se référer à Colonna. En 1500 et, semble-t-il, jusqu'en 1512, il fut autorisé à vivre en dehors de son couvent. En 1516, accusé d'immoralité, il est envoyé à Trévise. Il revient à Venise en 1520.

C'est à ce religieux peu ordinaire et dont la vie est encore mal connue qu'est attribuée par la plupart des critiques, parmi lesquels se détache Giovanni Pozzi, l'Hypnerotomachia Poliphili ou Le Songe de Poliphile, un ouvrage magnifiquement imprimé et illustré publié en décembre 1499 à Venise et sans nom d'auteur par Alde Manuce. L'attribution repose sur un acrostiche composé par les initiales des trente-huit chapitres de l'ouvrage et sur quelques témoignages contemporains. Il s'agit de la seule œuvre dont on puisse faire endosser la paternité à Francesco Colonna.

L'ouvrage, divisé en deux parties, est un roman qui s'inscrit dans l'espace d'un rêve que fait Poliphile peu avant le lever du soleil. La première partie, allégorique, évoque d'abord la naissance puis l'initiation à la connaissance sensible, figurée par la rencontre de cinq nymphes, et à la connaissance intellective. Guidé par la volonté et la raison, Poliphile doit choisir entre trois voies : l'ascèse, la gloire, l'amour. Il choisit la troisième et épouse Polia qu'il suit dans un voyage à Cythère. La seconde partie, uniquement narrative, s'ouvre par un récit des origines mythiques de Trévise. Polia y raconte son histoire et sa rencontre avec Poliphile. D'abord pleine de froideur, elle répond à son amour après une vision nocturne et un récit de sa nourrice. Elle accourt auprès de Poliphile évanoui dans le temple de Diane. Tous deux se rendent au temple de Vénus. Au discours narratif de Polia se superpose celui que Poliphile adresse à la prêtresse de Vénus, dans lequel il raconte la naissance de son amour. À la fin de l'ouvrage Poliphile se réveille.

Abondent dans l'Hypnerotomachia les longues descriptions de monuments divers, de sculptures, de jardins et de fontaines où s'expriment une culture archéologique et une conception de l'espace presque mathématique qui se ressent de l'influence de Leon Battista Alberti et annonce le jardin à l'italienne du siècle suivant. Les bijoux, les vêtements sont eux aussi minutieusement recréés par les mots. La langue composite reflète la réalité phonétique et morphologique d'un italien septentrional où le dialecte vénitien a sa part. On y rencontre du grec mais, surtout, au niveau du lexique, un latin éclectique à la fois classique et humaniste. Si l'on en croit le témoignage de Castiglione qui la condamne, cette langue eut une certaine influence, du moins jusqu'à la victoire des thèses de Bembo. L'œuvre eut un énorme succès,[...]

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Pour citer cet article

Michel PLAISANCE. COLONNA FRANCESCO (1433 ou 1434-1527) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • COLOSSAL, art et architecture

    • Écrit par Martine VASSELIN
    • 3 262 mots
    • 17 médias
    ...dans le domaine de la statuaire colossale, les architectures dessinées, peintes ou décrites témoignent de rêveries révélatrices. Le Songe de Poliphile de Francesco Colonna, publié à Venise en 1499, est une mine de descriptions de monuments colossaux fabuleux, très inspirés de la lecture des auteurs anciens...

Voir aussi