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FERRANTE ELENA (1943 ?- )

L’auteur, probablement une femme, qui se dissimule derrière le pseudonyme d’Elena Ferrante pourrait être née à Naples au début des années 1940. On a vu se multiplier les questions sur son identité au fur et à mesure du succès considérable que connaissaient – après les trois livres qu’elle avait donnés entre 1992 et 2006 (dont L’amoremolesto, porté à l’écran en 1995 par Mario Martone) – les quatre volumes de sa suite romanesque : L’amicageniale, 2011 (L’Amie prodigieuse, trad. franç. E. Damien, 2014), qui donne son titre à l’ensemble ; Storiadelnuovocognome, 2012 (Le Nouveau Nom, trad. franç. E. Damien, 2016) ; Storia di chi fugge e di chi resta, 2013 (Celle qui fuit et celle qui reste, trad. franç. E. Damien, 2017) ; Storiadellabambinaperduta, 2014 (L’Enfant perdue, trad. franç. E. Damien, 2018). Ces quatre livres ont fait l’objet d’une adaptation sous forme de série (LAmie prodigieuse, V. Costanzo, 2018).

En 2003, la publication d’un essai, La frantumaglia(trad. franç. N. Bauer, 2019), n’avait pas levé le mystère : si Elena Ferrante y évoque son travail d’écrivain et ses auteurs de prédilection – Elsa Morante en particulier –, concernant sa biographie, elle lance des pistes qui pourraient tout aussi bien se révéler des leurres. Tout au long de cette période, de nombreux noms, appuyés sur des preuves plus ou moins convaincantes, ont été avancés : Goffredo Fofi, Domenico Starnone, Anita Raja… Le succès mondial de L’Amie prodigieuse n’a fait que s’amplifier grâce à l’incomparable promotion que lui a offerte sa traductrice américaine, Ann Goldstein, éditrice au New Yorker.

Un roman-fleuve

Elena Ferrante propose ici une certaine « lisibilité romanesque » de l’histoire italienne de ces soixante dernières années. Une structure narrative qui n’est pas sans faire penser aux séries télévisées dont les soubassements nous renvoient aux mécanismes de l’épopée. Dans cette saga d’environ 1 600 pages, les grands thèmes dans lesquels l’auteur excelle sont certainement ceux de la famille étendue, là où la parenté englobe toute une communauté dans un modèle social, économique et religieux aussi stable que contraignant. C’est l’univers d’un rione (quartier) de Naples, avec ses petits corps de métiers et ses figures, comme le cordonnier, père de Lila (Raffaella Cerullo), ou Pasquale, le maçon, impliqué dans l’impasse tragique des Brigades rouges, fils d’Alfredo Peluso, menuisier communiste emprisonné parce qu’accusé d’avoir tué Achille Carracci, le charcutier usurier, ou encore les deux frères Solara, les « camorristes », propriétaires de la pâtisserie et entre les mains desquels passent toutes les destinées des habitants du rione.

La famille devient un lieu de tension extrême, où Lila et Elena sont confrontées dès leur enfance à la violence des pères et des frères, à la soumission et l’inertie des mères et des sœurs. Lila est intelligente et brillante, mais sa famille ne l’encourage pas à suivre des études. Encore très jeune, elle choisit de se marier avec le moins mauvais des hommes de pouvoir du quartier, Stefano, le fils du charcutier assassiné. Quant à Elena Greco, qui raconte cette histoire, elle est la fille d’un petit employé de mairie. Elle réussit à étudier et à être admise à la prestigieuse École normale de Pise à l’âge de dix-neuf ans, avant de se marier avec un jeune universitaire, Pietro Airota, dont la carrière est déjà toute tracée au sein d’une famille qui réunit tout ce que peut produire le corporatisme social à l’italienne. De ce pas, Elena, recommandée par sa puissante belle-mère, réussit même à devenir romancière. L’ensemble du récit se construit comme un long dialogue entre celles qui sont d’abord deux petites filles, avant de devenir des adolescentes puis des femmes, durant une période qui court de la fin de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à 2010. C’est alors[...]

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Écrit par

  • : professeur habilité à diriger des recherches en art moderne et contemporain

Classification

Pour citer cet article

Giovanni JOPPOLO. FERRANTE ELENA (1943 ?- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • L'AMIE PRODIGIEUSE (dir. S. Costanzo)

    • Écrit par Benjamin CAMPION
    • 1 126 mots
    • 1 média

    L'amicageniale, MyBrilliantFriend, L’Amie prodigieuse… Quelle que soit la langue employée, l’amitié dont il est question exprime l’admiration tout en laissant percer une pointe de jalousie. C’est une amitié fiévreuse, dévorante, faite de vénération et de convoitise, entre deux femmes que lie...

  • ITALIE - Langue et littérature

    • Écrit par Dominique FERNANDEZ, Angélique LEVI, Davide LUGLIO, Jean-Paul MANGANARO
    • 28 412 mots
    • 20 médias
    Dans le panorama des années 2000, il faut également mentionner cet autre cas littéraire qu’a représentéL’amicageniale (2011-2014) d’Elena Ferrante, pseudonyme de l’auteure qui a décidé de ne pas révéler son identité, et dont le succès tient en grande partie à la capacité d’insérer dans une...

Voir aussi