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FAUVEAU FÉLICIE DE (1801-1886)

Longtemps oubliée, le sculpteur Félicie de Fauveau mérite de retrouver aujourd'hui, dans le courant de réhabilitation de la sculpture française du xixe siècle, la place que ses œuvres, profondément marquées par l'historicisme de l'époque romantique, lui avaient donnée aux yeux de ses contemporains. Première femme sculpteur qui ait vraiment marqué le siècle, elle avait su aussi, par son anticonformisme, ses prises de position politiques, son long exil italien, se créer une légende digne des héroïnes du passé dont elle voulait illustrer l'histoire.

Née à Florence dans une famille de la noblesse de robe financière, ouverte aux idées nouvelles avant la Révolution, Félicie de Fauveau, par un renversement assez fréquent en ce temps, se rallia dès ses jeunes années au monarchisme le plus strict et revendiqua l'héritage glorieux des chevaliers croisés. La ruine de sa famille lui permit de s'affranchir des convenances, de ne pas se marier et de choisir la condition d'artiste. Elle apprit le dessin avec Hersent et, par goût de la difficulté, se consacra à la sculpture. Appartenant à cette génération qui, fascinée par le Moyen Âge, avait découvert la statuaire dans les salles du musée des Monuments français où Alexandre Lenoir avait réuni les œuvres sauvées du vandalisme de la Terreur, elle avait à parts égales une passion d'« antiquaire », de collectionneur, et la volonté de ressusciter dans son œuvre l'époque médiévale qui, pour des raisons politiques et religieuses, constituait son idéal. C'est l'époque où François-Xavier Rio, historien de la peinture, réhabilite « l'art chrétien », où Augustin Thierry rêve parmi les tombeaux des rois en récitant des pages de Chateaubriand. Au Salon de 1827, elle expose, pour la première fois : Christine de Suède refusant de faire grâce à son écuyer Monaldeschi (plâtre au musée de Louviers). Dès 1831, la jeune revue L'Artiste, qui regroupe les romantiques et se montre à l'affût des talents, la resitue dans le groupe de créateurs qui est désormais le sien : « Mlle de Fauveau, M. Henri de Triqueti, M. Chenavard, M. Antonin Moine balaient courageusement des vieux monuments la poussière oubliée et réhabilitent avec bonheur, chacun à sa manière, toute une période historique. » Proche par ailleurs d'Ary Scheffer et de Paul Delaroche, elle pourrait se faire un nom dans le Paris romantique. Elle reçoit même la commande officielle d'un Charles VIII entrant en Italie, pour les Champs-Élysées, que les événements ne lui permirent pas d'honorer. En effet, sa fidélité légitimiste après la révolution de 1830 et l'arrivée au pouvoir de Louis-Philippe – elle est la nièce du baron de Frénilly, le mémorialiste de la Restauration, que Louis XVIII appelait « frénésie » tant il était plus royaliste que le roi – et sans doute un certain féminisme avant la lettre, la poussent à s'enrôler parmi les « amazones » de la duchesse de Berry, mère du prétendant, qui veut soulever la Vendée. Félicie de Fauveau délaisse alors la sculpture pour le métier des armes et devient l'aide de camp de la comtesse de La Rochejaquelein. Déguisée en homme, elle fait fondre son argenterie, distribue des armes aux Vendéens : les rêves nés à la lecture de Walter Scott deviennent réalité. Le régime du « roi-citoyen » a fait sombrer sous le ridicule cette révolte des « femmes-paladins » (P. de Chennevières), dont les héroïnes s'appelaient Mathilde Lebescher ou Eulalie de Kersabiec.

Poursuivie par la police, Félicie de Fauveau se réfugie à Florence en 1833 et demeure en Italie jusqu'à sa mort, exception faite de quelques retours sous le second Empire, pour notamment exposer encore au Salon, où nul ne se soucie plus d'elle. Dans un ancien couvent de la via dei Serragli, elle meuble un atelier[...]

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Écrit par

  • : agrégé de l'Université, ancien élève de l'École normale supérieure, maître de conférences à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Adrien GOETZ. FAUVEAU FÉLICIE DE (1801-1886) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • TROUBADOUR STYLE

    • Écrit par Marie-Claude CHAUDONNERET
    • 1 381 mots
    • 1 média
    ...des personnages médiévaux. Mais, ces sculptures appartiennent au romantisme et non à l'équivalent sculpté de la peinture proprement troubadour. Parmi les sculpteurs romantiques, plus originale est Félicie de Fauveau, proche de la duchesse de Berry et qui dut, en 1830, s'exiler à Florence. Là,...

Voir aussi