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ÉVOCATION JUDICIAIRE

Terme qui désigne le retrait d'une cause de la juridiction normale pour la faire juger dans un autre siège. Il y avait sous l'Ancien Régime divers types d'évocations, généralement fondés sur le cas de suspicion légitime. Une partie pouvait demander (et obtenir) l'évocation d'une cause à un autre bailliage ou à un autre parlement si, dans ce tribunal ou dans cette cour, la partie adverse comptait des parents ou des alliés. De même rencontrait-on des évocations pour raison d'incompétence de la juridiction. Divers édits, notamment la déclaration du 23 juillet 1701 et plus tard l'ordonnance d'août 1737, avaient réglementé le mécanisme de l'évocation : les procès pendant au parlement de Paris devaient être évoqués au Grand Conseil ou au parlement de Rouen ; ceux du parlement de Rouen à celui de Bretagne ; ceux du parlement de Bretagne à celui de Bordeaux. Réciproquement, le renvoi des procès évoqués au Grand Conseil devait être fait au parlement de Paris. Évocation de justice ne signifiait donc pas arbitraire. Existaient aussi les évocations de causes consécutives à un privilège spécial : beaucoup de nobles et d'officiers possédaient un droit de committimus, évocation générale qui attribuait directement leur cause soit au tribunal des requêtes de l'hôtel du roi, soit à la chambre des requêtes du palais d'un parlement. Toutefois, tant dans l'ancienne France qu'aujourd'hui, le mot même d'évocation fait d'abord penser à l'usage royal — et « politique » — d'évocation du parlement au Conseil privé, ou du parlement au Grand Conseil, dès que la passion actuelle des affaires publiques frappe de suspicion légitime la première cour du royaume. En ce cas, le monarque use tout naturellement de son droit éminent et régalien de justice. Ainsi, malgré les prétentions du parlement de Rennes à mettre en accusation le duc d'Aiguillon, gouverneur de Bretagne, le Conseil privé évoqua-t-il l'affaire, le 24 mars 1770, devant le parlement de Paris, lequel fut à son tour bientôt touché par la suspicion légitime. À la frontière constante du droit public et du droit privé, participant tout à la fois de la justice réservée et de la justice déléguée du souverain, le droit d'évocation est une institution capitale de l'ordre politique et de l'ordre judiciaire.

— Frédéric BLUCHE

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Écrit par

  • : diplômé de l'École pratique des hautes études, assistant à l'université de Paris-II

Classification

Pour citer cet article

Frédéric BLUCHE. ÉVOCATION JUDICIAIRE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • FRANCE (Histoire et institutions) - Formation territoriale

    • Écrit par
    • 12 902 mots
    • 7 médias
    ...des justices seigneuriales. On installe à côté des grands fiefs des « juges d'appeaux » pour attirer les causes des justiciables, et, par le moyen des évocations, le Conseil du roi devient le suprême arbitre des différends entre tous les sujets. La coutume de Paris, par-delà la diversité des coutumes...
  • JUSTICE - Les institutions

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    • 13 708 mots
    • 3 médias
    ...diversité des ordres de juridictions (royales, seigneuriales, ecclésiastiques), une décision pouvait faire l'objet d'une multitude d'appels successifs. Le droit d'appel, au même titre, d'ailleurs, que le pouvoir d'évocation, avait pour fonction de favoriser, de proche en proche, l'attraction des procès...