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WATERS ETHEL (1896-1977)

Le critique Hugues Panassié considérait Ethel Waters comme « la plus grande de toutes les chanteuses de jazz » ; ce type de jugement prête, bien sûr, à discussion ; mais, lorsqu'on sait que Mahalia Jackson affirmait : « Ella Fitzgerald, Billie Holiday, Sarah Vaughan, elles viennent toutes d'Ethel Waters », on ne peut plus douter de l'importance de sa place dans l'art vocal afro-américain et de l'influence qu'elle exerça sur un grand nombre de chanteuses.

Ethel Waters (de son vrai nom Howard), née le 31 octobre 1896 à Chester, en Pennsylvanie, commença à chanter professionnellement dès la fin des années 1910, à l'époque où, l'ère des minstrel shows et des vaudevilles finissant, régnaient les crieuses de blues (blues shouters) : Bessie Smith, celle qu'on surnommait l'Impératrice, Clara Smith, Mamie Smith, Gertrude « Ma » Rainey. Et, ses premiers enregistrements en rendent témoignage, elle suivit leur exemple. Pourtant, elle tranchait sur ces femmes aux voix puissantes, au phrasé arc-bouté sur le tissu musical ; Ethel Waters chantait librement, elle survolait légèrement ses accompagnateurs, elle traitait les mélodies comme l'aurait fait un instrumentiste de cette époque : elle les interprétait, les ornementait, déplaçait les accents, ralentissait certains passages pour en accélérer d'autres, savait parfaitement contrôler l'intensité et l'amplitude de son vibrato pour souligner le sens des paroles de ses chansons. Elle parvenait ainsi à une fusion totale du texte musical et du texte verbal, leur donnant, aussi médiocres qu'ils fussent parfois, une dimension dramatique.

Mais Ethel Waters n'était pas tragique et c'est aussi ce qui la séparait des grandes chanteuses de blues des années 1920. C'était une comédienne complète : capable de chanter tous les genres, danseuse remarquable, actrice naturelle au ton toujours juste ; ainsi, chacune de ses prestations vocales prenait l'allure d'une saynète dont les personnages paraissaient vivants. C'est en cela sans doute qu'elle marqua les chanteuses qui se rendirent célèbres après elle et que citait Mahalia Jackson. Ethel Waters apporta dans le chant afro-américain une sensibilité, une tendresse, une délicatesse que l'on n'avait pas rencontrées avant elle ; elle se servit avec talent d'une technique vocale parfaitement autodidacte mais prodigieuse ; elle se distingua par une qualité de diction rarement égalée.

Femme de gaieté et d'amour, elle commença par ne connaître de la vie que les plus tristes côtés. La rue, celle des faubourgs noirs de Philadelphie, fut son école ; les souteneurs, les prostituées, les voleurs, les drogués furent ses premiers amis. Seule, ou avec des gamins de son âge, elle apprend à chanter, à danser, à jouer la comédie, et, à dix-sept ans, elle est sur les planches : elle est engagée par le Lincoln Theater de Baltimore et le suit en tournées dans le Sud, puis à New York. Elle chante dans les bars clandestins durant la prohibition et commence à enregistrer. En 1925, elle crée Dinah, et c'est le succès. On la surnomme alors « la première comédienne d'ébène de l'Amérique » et les engagements se succèdent dans les opérettes, les revues. Elle crée encore Memories of You (1928), Stormy Weather (1933) ; jusqu'à la guerre, sa carrière n'est que réussite. Puis elle tombe dans un semi-oubli. Elle chante encore un peu, remonte sur la scène, tourne quelques films à la fin des années 1940 et au début des années 1950, mais elle finit par s'installer dans une retraite confortable sur la côte ouest, d'où elle ne sort que pour chanter des hymnes religieuses ; à partir de 1957, elle apparaît quelquefois aux côtés du prédicateur évangéliste Billy Graham. Elle meurt à Chatsworth, en Californie, le 1[...]

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Denis Constant MARTIN. WATERS ETHEL (1896-1977) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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