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ÉPINAY LOUISE marquise D' (1726-1783)

L'art du commérage mené à la pointe de l'esprit fonde pour une grande part l'attrait que suscitent l'œuvre et la vie de Louise Florence Pétronille Tardieu d'Esclavelles, née à Valenciennes en 1726. Recueillie, à la mort de son père, par sa tante, Mme de Bellegarde, qui l'éduquera avec sa propre fille, la future Mme d'Houdetot, Louise épouse, en 1749, son cousin, Denis de La Live d'Épinay. Très vite abandonnée, elle cède volontiers à la mode du libertinage, se lie à Dupin de Francueil, rencontre Duclos, qui l'introduit dans la société des gens de lettres. Rousseau lui présente Melchior Grimm, dont elle deviendra la collaboratrice et la maîtresse attitrée. Dès lors commence la chronique indiscrète où sont observés les hôtes de son château de la Chevrette, d'Holbach, Diderot, Saint-Lambert. Rousseau, qu'elle loge dans sa petite maison de l'Ermitage, près de Montmorency, et qui y prépare le Contrat social et La Nouvelle Héloïse, s'éprend d'une passion malheureuse pour Élisabeth d'Houdetot, amante de Saint-Lambert. Dans ses Confessions, il accusera Mme d'Épinay de l'avoir dénoncé à son rival et d'avoir jeté les bases d'un complot dont son existence entière aurait eu à souffrir. Louise d'Épinay part seule à Genève, où Rousseau devait l'accompagner. Elle y restera deux ans, fréquentant Voltaire, qui voit en elle « une aigle dans une cage de gaze ». À son retour de Suisse, un autre cercle se reforme, fréquenté par Grimm, Suard, Raynal et Diderot, qui mène le jeu.

Mme d'Épinay collabore de plus en plus activement à la Correspondance littéraire de Grimm, publie des futilités sous le titre Mes moments heureux (1759) et d'édifiantes Lettres à mon fils, que suivront les Conversations d'Émilie (1781). On la retrouve davantage dans ses Lettres à l'abbé Galiani, à qui la liait une amitié de vingt années : elles offrent une mine de renseignements précieux sur les événements littéraires, mondains et politiques du temps. Mme d'Épinay s'y montre attentive aux bouleversements sociaux en gestation et manifeste une liberté d'esprit qui va au-delà de l'insolence mondaine.

Lorsque, en 1770, Rousseau entreprend de lire des fragments de ses Confessions, elle n'hésite pas à obtenir du lieutenant de police Sartines qu'il interdise les séances de lecture, et elle répond aux accusations de Rousseau par un gros roman autobiographique où il est dépeint sous les traits de René, fourbe et « artificieux scélérat ». L'Histoire de Mme de Montbrillant, où elle se justifie par une habile mise en scène, redistribuant les rôles à ses amis et à ses ennemis, n'est pas sans évoquer parfois Les Liaisons dangereuses. Le manuscrit, d'abord confié à Grimm, fut retrouvé et publié par George Roth. Des extraits en avaient paru en 1818 sous la fausse attribution de Mémoires de Mme d'Épinay. Celle-ci, délaissée par Grimm, mourut le 15 avril 1783.

— Raoul VANEIGEM

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Raoul VANEIGEM. ÉPINAY LOUISE marquise D' (1726-1783) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )