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SARKIS ELIAS (1924-1985)

Elias Sarkis, qui sera président du Liban de 1976 à 1982, naît à Chebanieh le 20 juin 1924 dans une famille maronite aux ressources modestes. Il n'est apparenté ni de près ni de loin aux grands lignages qui se partagent la direction de la communauté et le destin du Liban. Il travaille déjà, dans l'administration des chemins de fer, lorsqu'il obtient son baccalauréat en 1945 et choisit d'étudier le droit. Homme de dossiers, travailleur infatigable, fonctionnaire zélé à la probité remarquée dans l'exercice de ses fonctions de juge à la Cour des comptes où il est nommé en 1953, ce solitaire amateur de lecture et de marche en montagne est appelé à de hautes fonctions en 1958. Le général Fouad Chéhab, nouveau président de la République, qui ambitionne de mettre fin au règne des grandes familles et des « fromagistes », l'appelle à ses côtés.

Une caricature du quotidien al-Nahâr a représenté à l'époque Elias Sarkis dans la tenue et l'attitude de Louis XIV peint par Rigaud. « L'État, c'est moi », semble dire le jeune haut fonctionnaire à l'allure aimable et décidée. À la fois directeur des douanes et, de 1962 à 1966 (sous la présidence de Charles Hélou), directeur général de la Présidence, il va donner toute la mesure de ses talents d'organisateur, de juriste et de négociateur. Non seulement il lance une série de chantiers, routes, écoles, hôpitaux, ainsi qu'une vaste enquête économique et sociale sur l'état du pays, mais encore il suggère au président Chéhab d'importants remaniements administratifs destinés à lutter contre la corruption et le népotisme au sein de la fonction publique ainsi que contre des inégalités régionales et communautaires manifestes. Dans l'exercice de sa mission, il se heurte déjà au conservatisme des élites traditionnelles et apprend à composer avec elles afin de promouvoir les réformes qu'il propose.

Elias Sarkis est unanimement salué pour sa compétence, et sa nomination comme gouverneur de la Banque centrale en juin 1967 est accueillie dans la satisfaction générale après le spectaculaire krach de la banque Intra. Là encore, il s'attache à une entreprise de redressement et d'assainissement, crée une Commission de contrôle des banques, dont le budget est géré par la Banque du Liban, met fin aux activités de 14 des 85 établissements bancaires commerciaux du pays, fait renaître la confiance. Soleiman Frangié, dont l'accession à la présidence en 1970 marque le retour à l'hégémonie des maronites, le maintient à son poste en reconnaissance de sa valeur et en dépit de son appartenance au courant chéhabiste, dont Elias Sarkis a été le candidat malheureux à l'élection présidentielle. Les votes de l'opposition islamique, et en particulier le soutien du leader druze Kamal Joumblatt, lui ont fait défaut, car les réticences devant l'arrivée d'un dirigeant étranger au « club » des grandes familles ont été plus fortes que la conscience de la radicalisation et de la montée des tensions libano-palestiniennes.

Elias Sarkis, revenu à la Banque du Liban, aurait-il pu écarter le danger de la guerre ? Lorsque les dirigeants syriens imposent son élection à la présidence le 8 mai 1976 par 66 voix contre 3 au candidat indépendant Raymond Eddé, il est déjà trop tard pour sauver un Liban divisé et traumatisé par treize mois d'affrontements. Le nouveau chef de l'État se met à la tâche avec courage et abnégation, œuvrant, depuis son palais de Baabda sur lequel pleuvent bien souvent les obus, à la réconciliation de tous les Libanais, négociant inlassablement avec les puissances régionales avec l'aide de son ministre des Affaires étrangères Fouad Boutros.

Pourtant, au long de ses six années de présidence (23 sept. 1976-23 sept. 1982), Elias Sarkis assiste au rétrécissement[...]

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Écrit par

  • : chercheur à la Fondation nationale des sciences politiques, docteur en science politique

Classification

Pour citer cet article

Elizabeth PICARD. SARKIS ELIAS (1924-1985) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • LIBAN

    • Écrit par Philippe DROZ-VINCENT, Universalis, Elizabeth PICARD, Éric VERDEIL
    • 26 514 mots
    • 18 médias
    ...leur opposition irréductible, installe le Liban dans la guerre. Pour succéder à Sleiman Frangié dont les insurgés réclamaient le départ anticipé, Élias Sarkis a été élu par les députés le 8 mai 1976. Gouverneur de la Banque du Liban, proche du général Chehab, il est préféré par la puissance syrienne à...
  • SYRIE

    • Écrit par Fabrice BALANCHE, Jean-Pierre CALLOT, Philippe DROZ-VINCENT, Universalis, Philippe RONDOT, Charles SIFFERT
    • 37 006 mots
    • 13 médias
    ...l'essentiel des contingents est syrien. Cette force de 40 000 hommes placés sous l'autorité (théorique) du président de la République libanaise, Élias Sarkis, occupe progressivement tout le Liban, à l'exclusion du Sud. Après de longs mois où se succèdent trêves et affrontements dans lesquels les Syriens...

Voir aussi