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ARBUS DIANE (1923-1971)

La reconnaissance

Les images d'Arbus sont terribles. Elles sont inoubliables. Selon Peter Bunnel, qui fut conservateur pour la photographie au MoMA, ce qui gêne dans ces photographies, c'est moins ce qu'elles représentent que l'emprise qu'elles exercent sur le spectateur : « Elles nous forcent à nous demander qui nous sommes. » Bel hommage à leur pouvoir.

Diane Arbus est devenue photographe, exécutant des commandes, mais surtout sachant choisir ses sujets, tant pour la presse que pour elle-même, et ne cessant de procéder à des investigations, notamment techniques, échangeant avec ses proches, dont son exact contemporain Richard Avedon. Elle enseignera même à la Parsons School of Design, à la Rhode Island School of design et à Cooper Union à New York.

Elle se suicide à quarante-huit ans. Un an après la parution d'un portfolio, A Box of Ten Photographs, dont elle ne vendra que fort peu d'exemplaires. Un an avant que son œuvre ne soit exposée au MoMA, publiée par Aperture, découverte par un large public qu'elle marque de façon décisive, définitive.

Finalement elle apparaît certes lucide et peu complaisante, mais confiante dans un travail qui, parfois, réconcilie – la réconcilie, ou ses modèles, avec le monde. Ainsi : « Le procédé photographique en soi possède une sorte d'exactitude, de précision intense dont nous n'avons pas l'habitude – pas dans nos rapports avec autrui. Nous sommes moins durs avec les autres que lorsque l'appareil entre en jeu. Ça a quelque chose de froid, de rude. [...] Je pense que ça fait mal d'être photographié, un peu... mais : l'une des choses qui m'a frappée très tôt, c'est qu'on ne peut pas mettre dans une photo ce qui va y apparaître. Ou au contraire, ce qui apparaît n'est pas ce qu'on y avait mis, et aussi : je n'ai jamais pris la photo que je voulais. Elles sont toujours meilleures ou pires. »

En 2003, une rétrospective, accompagnée d'une imposante publication intitulée Revelations, commençait son itinérance au musée d'Art moderne de San Francisco, pour se poursuivre à travers les États-Unis (Los Angeles, Houston, New York) et l'Europe (Essen et Londres), avant de s'achever à Minneapolis, en 2006. Sous la direction de Doon Arbus, exécutrice testamentaire, avec sa sœur Amy, de l'artiste, le livre et l'exposition mettaient fin à la longue occultation qui suivit, après la mort d'Arbus, la surexposition de 1972. Son legs était en effet assez délicat pour ceux qui en avaient la charge, et avaient été témoins de réactions portant exclusivement sur ceux dont la photographe avait fait le portrait, jamais sur ses images ou son projet. Sans doute il fallait pour cela que le temps passe, que s'instaure le recul nécessaire. « Pour moi, notait Diane Arbus, le sujet d'une photo est toujours plus important que l'image elle-même. Et plus complexe. J'éprouve quelque chose pour le tirage lui-même, mais ça n'a rien de sacré pour moi. Je crois vraiment que sa valeur tient à ce qu'il représente. Je veux dire qu'il faut que quelque chose soit en jeu. Et ce qui est en jeu est toujours beaucoup plus remarquable que l'image qui en est donnée. »

Plus de trente ans après sa disparition, le moment semblait enfin venu pour que son travail soit perçu plus justement, au plus près de ce qu'elle avait souhaité accomplir. Des critiques se sont élevées, du fait d'amateurs de longue date de sa photographie, contre certains partis pris de la rétrospective et de l'ouvrage correspondant (contre le flot d'informations tout à coup délivré, le mélange des images incluant des documents, des archives jusqu'alors inédits, qui venaient brouiller les séries entreprises et les choix effectués par Arbus elle-même, contre la qualité des tirages réalisés par Neil Seilkirk, la reconstitution de l'atelier[...]

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Écrit par

  • : critique, éditeur à l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Anne BERTRAND. ARBUS DIANE (1923-1971) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PHOTOGRAPHIE (art) - Un art multiple

    • Écrit par Hervé LE GOFF, Jean-Claude LEMAGNY
    • 10 750 mots
    • 21 médias
    Aux États-Unis, les portraits de Diane Arbus n'ont besoin d'aucun artifice pour crier l'irrémédiable : malheur ou bêtise, solitude et folie. Partiellement influencée par le travail de Lisette Model, elle-même marquée par le regard caustique et parfois violent de Weegee, Diane Arbus exerce une fascination...

Voir aussi