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COYOTE : J'AIME L'AMÉRIQUE ET L'AMÉRIQUE M'AIME (J. Beuys)

Soucieux de clarifier la portée politique subtile de son art, l'artiste allemand Joseph Beuys (1921-1986), élabora très soigneusement la première performance qu'il réalisa aux États-Unis en mai 1974. Celle-ci débuta dans l'avion qui le conduisait à New York, et a bord duquel l'artiste, les yeux bandés, refusa de poser son regard sur le continent nord-américain. À son arrivée, emmitouflé de pied en cap dans une couverture de feutre, il fut transporté en ambulance à la René Black Gallery de New York, qu'il quitta cinq jours plus tard selon le même rituel. Entre ces deux moments, Beuys, équipé de sa couverture, d'une canne, et d'une lampe de poche, resta enfermé en compagnie d'un coyote sauvage qui venait d'être capturé. L'homme et l'animal s'apprivoisèrent lentement, Beuys démontrant ainsi cette possible réconciliation avec un temps où l'homme et l'animal ne faisaient qu'un ; un temps, estimait l'artiste, où la communication entre les espèces était encore naturelle et totale. Beuys se présentait ainsi comme le guérisseur potentiel d'une culture occidentale malade d'elle-même. Car, avait-il déclaré lors d'un cycle de conférences donné quelques mois auparavant sur le sol américain « on peut dire qu'un lien doit être renoué avec le coyote, et ainsi seulement pourrons-nous soulager notre traumatisme ». L'incompréhension que rencontra alors son message incita sans doute Beuys à passer aux actes. Ce qu'il fit, sur un territoire dont la modernité incarnait pour lui le stade ultime de dégénérescence de l'Occident. En s'appropriant avec le coyote un symbole important de la mythologie des Indiens d'Amérique, Beuys pouvait donc intituler sans ironie son action « J'aime l'Amérique et l'Amérique m'aime ». Le rêve d'une Amérique « originelle » opposée à un « rêve américain » que l'animal souilla avec diligence en urinant tous les jours sur les pages du Wall Street Jounal qui lui servaient de litière durant la performance.

— Hervé VANEL

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art contemporain à l'université de Brown, Rhode Island (États-Unis)

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Pour citer cet article

Hervé VANEL. COYOTE : J'AIME L'AMÉRIQUE ET L'AMÉRIQUE M'AIME (J. Beuys) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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