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MOORE CHARLES W. (1925-1993)

Originaire du Middle-West américain, Charles W. Moore, docteur en histoire de l'art et architecte, est une figure essentielle du postmodernisme américain. Comme sa tendance à adapter ses constructions à des lieux spécifiquement américains l'a isolé des grands courants de l'architecture moderne internationale, il s'est attribué un rôle de traducteur et de codificateur des éléments du répertoire architectural : la maîtrise des règles, l'intégration maximale des éléments, leur confrontation conditionnent la production de techniques nouvelles par une recherche formelle inattendue. L'originalité de Moore porte sur l'interférence de l'élément constructif avec les exigences traditionnelles de la fonction. S'adaptant à la singularité de chaque projet, il connut une réputation internationale en 1963 en construisant des maisons de vacances à Sea Ranch, au nord de San Francisco, conciliant les usages de l'habitat classique avec une remise en question fondamentale de son volume architectural. En 1961, enseignant alors à Berkeley, il se construit à Orinda, en Californie, une maison d'une pièce unique qui résume les grandes lignes de son propos : l'intégration du volume bâti dans le site aussi bien sur le plan esthétique que fonctionnel (ici la grange), des portes coulissantes en guise de façades articulent l'intérieur avec le dehors ; l'architecture reste simple, c'est sa combinatoire interne qui assume la complexité architectonique. Nommé professeur à Yale, il s'installe en 1967 dans une vieille maison coloniale de New Haven : l'intérieur est complètement évidé, la maison neuve (une boîte géométrique) s'insère dans l'ancienne coquille ; il s'agit d'une architecture intériorisée que l'aspect extérieur ne révèle en rien. Il construit de nombreuses résidences privées en Californie, en étroite collaboration avec ses associés Lyndon, Turnbull, Whitaker (Jobson House, 1961 ; Bonham House, 1962 ; Slater House, 1964 ; Talbert House, Johnson House, Karas House, 1965). En 1967, il se voit confier un projet d'habitations sociales, Church Street South à New Haven : la structure reste traditionnelle, le progrès formel est assuré par un détournement des matériaux de leur usage habituel (les modules de béton — murs de refend et dalles de plancher — servent à élever les murs des façades), de sorte que le jeu des proportions conventionnelles est détruit. Kresge College (1973) et St. Simon Island manifestent une architecture stratifiée, en écrans, qui favorise l'élargissement d'un espace central de dégagement par un jeu d'échelles différentes (comme à Withman College, 1974). Moore quitte Yale en 1975 et se construit une nouvelle maison, partie intégrante d'un ensemble résidentiel, près de Los Angeles. Ce type de construction lui permet de reprendre le principe élaboré à Sea Ranch : un volume dépouillé sur lequel viennent se greffer des espaces fonctionnels.

Le démantèlement du tissu urbain, exprimant l'incapacité de notre culture à maintenir des espaces homogènes, conduit Moore vers l'éclectisme culturel (projet de logements à Williamsburg en Virginie, avec références coloniales ; fontaine Piazza d'Italia à La Nouvelle-Orléans, 1975-1978, dans une tradition baroque), qui permet d'articuler formellement le site architectural et les conditions d'habitat. Son refus du monumental lui permet de renouer avec la tendance contemporaine non avant-gardiste, dont Louis Kahn a sans doute été le premier représentant dès l'après-guerre.

Cette seconde tradition de la modernité, opposée au courant internationaliste de l'avant-guerre (Wright, Mies van der Rohe, Le Corbusier), a pour objectif d'atteindre elle aussi une modernité radicale sans pour autant que ses produits entrent en conflit avec l'héritage[...]

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Écrit par

  • : docteur en histoire de l'art, chargé de recherche à l'École pratique des hautes études

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Pour citer cet article

Christian BONNEFOI. MOORE CHARLES W. (1925-1993) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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