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AKERMAN CHANTAL (1950-2015)

Une polyphonie de styles

À partir de là, les créations d'Akerman se déploient dans les directions et les styles les plus divers : le film choral à motifs sentimentaux (Toute une nuit, 1982) ou ethniques (Histoires d'Amérique, 1988, et les confessions d'immigrants juifs survivants de l'Holocauste), la comédie musicale (Golden Eighties, 1986), le mélodrame (Nuit et jour, 1991, un film modèle sur l'amertume qui colore toute forme de bonheur).

Durant les années 1990 et 2000, la cinéaste « personnalise » des pratiques comme le documentaire (D'Est, 1993 ; Sud, 1999 ; De l'autre côté, 2002, sur l'émigration mexicaine aux États-Unis), la fiction (Un divanà New York, 1996 ; Demain on déménage, 2004) ou l’adaptation littéraire (La Captive, 1999, « arrangement » très personnel de La Prisonnière de Marcel Proust ; La Folie Almayer, d’après Joseph Conrad, 2012). Son univers demeure cependant intact. Dans D'Est, l'auteur filme en longs plans des lieux et des personnes d'anciens pays du bloc communiste. On sent, comme toujours chez elle, une forme de résistance : le tissu humain est là, dense et brut. Akerman développe et étend des parties de ce film sous forme d'installations multimédias qui investissent plusieurs salles et de nombreux moniteurs vidéo de lieux muséaux : D'Est : au bord de la fiction (1995).

Par la répétitivité des situations, le burlesque de Demain on déménage débouche sur le malaise et un sentiment d'absurdité. Du documentaire sur des collectivités, l'essayiste passe alors à l'autoportrait didactique : Chantal Akermanpar Chantal Akerman (1996, réalisé pour l'émission Cinéma denotre temps) composé d'un montage sériel de quelques-uns de ses films. Approche qu'elle réitère dans Autoportrait/Autobiography : travail en cours (1998) et qui est exposé dans de nombreux musées. Cette veine autobiographique, déclinée sur tous supports, a également inspiré le livre Ma mère rit (2013) et son dernier film NoHomeMovie présenté au festival de Locarno en août 2015. La figure de la mère, décédée en 2014 et qui fut la seule, de toute la famille, à revenir d’Auschwitz, en est le sujet central. Une manière pour Chantal Akerman de renouer avec LesRendez-vous d’Anna.

À la croisée du cinéma et des arts plastiques, entre documentaire, fiction et essai, l'œuvre multiforme de Chantal Akerman reflète à merveille un certain état d'hybridation de l'art contemporain. Michael Haneke, Todd Haynes, Gus Van Sant ou Avi Mograbi ont reconnu l’influence de l’œuvre de Chantal Akerman sur leur propre travail.

Chantal Akerman s’est donné la mort à Paris le 5 octobre 2015.

— Raphaël BASSAN

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Pour citer cet article

Raphaël BASSAN. AKERMAN CHANTAL (1950-2015) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Chantal Akerman en 1985, sous l’affiche de son film <em>Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles</em> - crédits : Marion Kalter/ AKG images

Chantal Akerman en 1985, sous l’affiche de son film Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles

Autres références

  • JEANNE DIELMAN, 23, QUAI DU COMMERCE, 1080 BRUXELLES

    • Écrit par Raphaël BASSAN
    • 1 210 mots
    • 1 média

    Jeanne Dielman, 23, quai du Commerce, 1080 Bruxelles (1975) est le sixième film de la cinéaste belge Chantal Akerman (1950-2015). C’est aussi son film le plus ambitieux – et le plus long, 3 heures et 21 minutes –, réalisé avec la complicité de Delphine Seyrig, actrice chevronnée et...

  • VIDÉO ART

    • Écrit par Rosalind KRAUSS, Jacinto LAGEIRA, Bénédicte RAMADE
    • 5 807 mots
    ...du cinéma (1989), Jean-Luc Godard, s’intéresse précisément aux différences et aux recoupements possibles entre écriture et image, comme Chantal Akerman dans Letters Home (1986) réalisé à partir des 696 lettres envoyées par la poétesse américaine Sylvia Plath à sa mère ; comme eux, d’autres artistes...

Voir aussi