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CAO ZHI[TS'AO TCHE](192-232)

Thèmes et symboles

Peu nombreux, en réalité, sont les poèmes de Cao Zhi dont le sens se laisse ainsi définir par rapport à l'actualité politique et biographique. Mais la légende s'est emparée des données qu'ils fournissent et, les combinant avec celles des Annales, elle a campé le poète en héros tragique. Ambitieux et chevaleresque, mais méconnu et désespéré : ce cliché s'est imposé avec tant de force qu'il a servi de clé pour le reste de l'œuvre. Était-ce légitime ? La critique moderne a commencé de mettre en doute l'interprétation habituelle, strictement biographique, de beaucoup de poèmes fondés sur l'exploitation des thèmes traditionnels. Elle refuse de reconnaître l'auteur lui-même derrière chacun de ses personnages favoris, les types de la femme trahie ou abandonnée, de la belle-fille méconnue, de l'épouse stérile. Même s'il est vrai que l'imagination du poète le porte spontanément à évoquer des drames comparables au sien, ceux de la solitude, du déracinement, de l'errance, de l'inachèvement, les figures et les symboles utilisés débordent et font oublier son cas personnel. Ainsi de l'oiseau captif qu'un jeune homme libère des filets de l'oiseleur, ou de la plante peng, emportée et ballottée par la tornade. Dans les sept pièces de la série justement fameuse Zeng Baima wang Biao (A Biao, roi de Baima), l'imaginaire se mêle inextricablement au réel. De même, tandis qu'un critique admire dans Taishan Liangfu xing la peinture réaliste des misères du temps, un autre remarque que l'auteur n'a sans doute jamais visité la contrée qu'il y décrit. Le célèbre Luo shen fu (La Déesse de la rivière Luo) raconte la brève rencontre du poète avec une divinité dont l'amour lui reste interdit. C'est affaiblir ce beau conte que de le présenter comme une simple transposition soit de la passion de Cao Zhi pour l'impératrice Zhen, soit une fois de plus de son loyalisme déçu.

Les thèmes et les symboles auxquels Cao Zhi donne vie sont rarement de son invention. Il renouvelle, d'une part, les rêves d'évasion du Chu ci. La vérité poétique de ces randonnées libératrices et de ces visites au séjour des Bienheureux ne lui semble pas incompatible avec leur irréalité métaphysique. Mais, surtout, Cao Zhi est l'héritier des jongleurs de cour, auteurs de yuefu, ainsi que des lettrés anonymes qui composèrent les premiers « poèmes anciens » (gushi). Il ne doit pas seulement à ces devanciers des motifs et des formules, mais aussi le mètre pentasyllabique, dont il est, à l'avènement de sa longue royauté, le premier grand maître.

L'inspiration du poète et le langage poétique qui lui viennent de la tradition se trouvant ainsi définis, il reste encore beaucoup à faire. Depuis peu, la critique s'intéresse aux particularités de leur combinaison. On remarque des obsessions, comme celle du mouvement, tour à tour ascendant et descendant, ou de la hauteur et de l'envol, des motifs privilégiés tels que les forces au travail dans la nature ou l'évanescence des phénomènes, des constantes formelles, comme l'importance et la perfection des préambules. Ces recherches encore tâtonnantes devraient permettre de préciser l'originalité du premier grand poète lyrique de la Chine impériale.

— Jean-Pierre DIÉNY

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Jean-Pierre DIÉNY. CAO ZHI [TS'AO TCHE] (192-232) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009